Introduction et balises :
La culture scientifique est une notion ayant fait son apparition dans les années 1950 aux Etats-Unis (Hurd, 1958) avant d’être repise par de nombreux auteurs aussi bien anglo-saxons, sous l’appellation « scientific literacy », que francophones, sous l’appellation « culture scientifique » (Albe, 2011). De nombreux auteurs affirment qu’il est nécessaire d’inclure la culture scientifique dans les curricula des élèves et même qu’elle traduit les intentions institutionnelles en termes d’éducation en sciences (Holbrook et Rannikmae, 2009). Notons toutefois qu’il n’existe pas de consensus sur la définition de cette notion (Shamos, 1995 [i][i], Albe, 2011). Nous pouvons cependant mettre en évidence quelques auteurs ayant proposé une définition de la culture scientifique.
Un premier auteur, Shen (1975), distingue 3 dimensions de la culture scientifique qui diffèrent par leurs objectifs mais également par le public auquel elle est destinée :
- La culture scientifique pratique reprend par exemple les savoir-faire qui peuvent immédiatement améliorer la qualité de vie des individus et qui s’adresse donc à tout le monde.
- La culture scientifique civique permet aux citoyens de prendre conscience des enjeux liés à la science et de participer aux débats démocratiques. Elle s’adresse donc aux citoyens.
- La culture scientifique culturelle motivée par l’envie d’acquérir des connaissances à propos des sciences et qui s’adresse principalement à l’élite intellectuelle scientifique.
Un deuxième auteur est Shamos (1995) [i], qui définit également 3 dimensions de la culture scientifique :
- La culture scientifique culturelle constitue la culture scientifique de base que tout adulte devrait avoir et vise la bonne communication au sein de la société. Il affirme que, pour cela, il est nécessaire de disposer d’une « réservoir » de connaissances partagées.
- La culture scientifique fonctionnelle quant à elle fait référence à la capacité à utiliser un lexique scientifique, à lire et à écrire dans un contexte scientifique.
- La culture scientifique vraie est, elle, liée à la compréhension de la nature de la science ainsi qu’à la reconnaissance de l’importance de l’observation et de l’expérimentation.
Un autre auteur dont nous souhaitons présenter le point de vue est Fourez (1997) qui définit les 3 objectifs de la culture scientifique :
- Humaniste : visant l’autonomie et l’atteinte du plein potentiel individuel ;
- Économique : visant non seulement une meilleure adaptation à la pression sociale et économique mais également une meilleure croissance nationale ;
- Démocratique : dont la volonté est que tous les citoyens soient capables de prendre part aux débats démocratiques et d’en comprendre les arguments scientifiques et technologiques.
Finalement, un dernier travail que nous présenterons dans cette section est la définition de la culture scientifique que l’OCDE met en avant dans les tests PISA (OCDE, 2020). Les visions et orientations stratégiques en sciences des tests PISA ont été revues entre 2015, dernière année pour laquelle les sciences ont été le domaine majeur du test, et 2025, prochaine année pour laquelle la culture scientifique sera le domaine majeur (OCDE 2015, OCDE, 2020). D’après ces documents, la culture scientifique peut être définie comme suit.
« La culture scientifique renvoie à la capacité des individus de s’engager dans des questions et des idées en rapport avec la science en tant que citoyens réfléchis.Les individus cultivés sur le plan scientifique sont prêts à s’engager dans des raisonnements sensés à propos de la science et de la technologie et doivent pour ce faire utiliser les compétences spécifiques au domaine scientifique suivantes :
- Expliquer des phénomènes de manière scientifique.
- Evaluer et concevoir des recherches scientifiques.
- Interpréter des données et des faits de manière scientifique.
- Utiliser des connaissances scientifiques dans la prise de décisions et de mesures.
- Recourir au raisonnement probabiliste. »
Nous voyons donc que toutes ces définitions et cadres théoriques sont différents et qu’il est donc nécessaire de rester prudent lors de la mobilisation de la notion de culture scientifique.
Entrées faciles :
La notion de culture scientifique étant généralement utilisée dans la littérature scientifique, il n’existe pas vraiment « d’entrées faciles ». Toutefois, les deux articles repris ici sont des revues de la littérature et les points de vue de plusieurs auteurs y sont rassemblés. Cela peut donner une première vue de leurs différentes théories avant d’aller lire les textes originaux.
- L’article de Virginie Albe (2011) présente un historique de la manière dont la culture scientifique a été considérée et utilisée durant les dernières décennies en France et synthétise les positionnements de certains des premiers auteurs à s’être penché sur la culture scientifique. L’auteure reprend notamment les points de vue de Shen (1975), Shamos (1995) [i], Fourez (1997) et de Bybee (1997) [ii][i].
- L’article de Holbrook et Rannikmae (2009) qui dresse un historique des définitions de la culture scientifique en reprenant notamment les points de vue de Norris et Philips (2003), de Millar (1997), de Gräber (2001), de Bybee (1997) [ii], de Shamos (1995) [i] et de l’ODCE (2007). Cet article présente également le lien entre la notion de culture scientifique et la nature des Sciences.
Ecrits scientifiques :
La littérature en lien avec la culture scientifique est très large étant donné que cette notion est utilisée dans de nombreux champs disciplinaires (sociologie, sciences de l’éducation, sciences de la communication, didactiques). Remarquons ainsi qu’il n’y a pas de définition qui fasse l’unanimité, mais que les concepteurs des tests PISA proposent une définition de la culture scientifique ainsi que divers indicateurs permettant de l’estimer dans le dernier document d’analyse d’une épreuve dont le domaine majeur sont les sciences (OCDE, 2015). De nouvelles visées ont été publiées à la suite des dernières épreuves en vue d’accompagner la prochaine épreuve centrée sur les sciences (OCDE, 2020). Les concepteurs des études PISA ne sont bien sûr pas les seuls à s’être intéressés à la culture scientifique. Voici donc une liste non exhaustive de ressources qu’il pourrait être intéressant de consulter.
- L’article de Mylène Duclos, Florence Le Hebel, Andrée Tiberghien, Pascale Montepied et Valérie Fontanieu (2021) présente un modèle prédictif des difficultés rencontrés par les apprenants sur base de l’établissement de caractéristiques des questions posées lors de l’épreuve PISA de 2015. Cette étude vise également à mettre en évidence un lien entre les performances et le milieu socio-économico-culturel des apprenants.
- L’article de Gerard Fourez (1997) met en évidence certaines habilités que l’école française devrait permettre aux apprenants de travailler en vue de développer leur culture scientifique. Il définit également 3 objectifs de la culture scientifique en termes de formation de citoyens éclairés.
- L’article d’Olivier Sartenaer (2022) avance un point de vue plus proche de la philosophie des sciences et de l’épistémologie. Dans ce document, il soutient que la culture scientifique est plus qu’un amoncellement de savoirs scientifiques, mais plutôt une modalité particulière de l’exercice de l’esprit critique.
Si vous êtes désireux de détailler les points de vue anglo-saxons précédant les années 2000, ne manquez pas de consulter la revue de la littérature de Laugksch (2000).
De nombreux autres auteurs ont également travaillé la question de la culture scientifique, mais tous n’ont pas pu être repris ici. N’hésitez pas à consulter les bibliographies des différentes revues citées pour plus de ressources.
Pistes de TFE et de mémoires :
- Questionner la manière dont les enseignants travaillent au développement de la culture scientifique des élèves en classe ;
- Interroger les liens qui peuvent être fait entre la culture scientifique et la culture « au sens large » ;
- Questionner le lien entre le rapport à la culture scientifique des enseignants et leurs pratiques de cours en lien avec la culture scientifique.
[i] Shamos, M. (1995). The myth of scientific literacy. New Brunswick, NJ: Rutgers University Press.
[ii] Bybee, R.W. (1997). Toward an understanding of scientific literacy. In W. Graeber & C. Bolte (Eds), Scientific literacy. An international symposium (p.37 – 68) Institut für die Pädagogik der Naturwissenschaften (IPN): Kiel, Germany.