Optique (maternel)

Introduction et balises

À l’école maternelle, l’élève découvre son environnement proche. Par le biais de cette rencontre, le jeune élève va progressivement développer des représentations du monde physique et de ses phénomènes.

La lumière fait partie du quotidien des élèves. Pourtant, il s’agit d’un concept présentant une grande complexité pour eux. Émise par des sources lumineuses, elle interagit avec des objets sur son passage. Elle possède la propriété de se propager de manière rectiligne mais véhicule aussi de l’information sur la forme, la couleur ou les dimensions d’un objet (en lien avec la vision). On voit un objet grâce à la lumière et, pourtant, on ne voit pas la lumière. Selon Tiberghien, Delacote, Ghiglione et Matalon (1980)[1] cette particularité amène probablement une difficulté importante dans la conceptualisation de la lumière.

Un des obstacles majeurs liés au concept de la lumière est que les enfants ont des difficultés à considérer la lumière comme étant une entité indépendante des sources qui l’émettent. Cette difficulté, présente chez des élèves de 5 à 15 ans, conduit ces derniers à associer la lumière exclusivement à sa source ou aux effets visibles qu’elle provoque (Arnantonaki, 2021[2]). Une autre difficulté des jeunes élèves semble aussi toucher à l’identification de la nature de la lumière. Les représentations des élèves sont souvent éloignées du modèle scientifique. L’objectif sera d’amener l’élève à passer de ces conceptions quotidiennes et spontanées, très résistantes, à d’autres plus compatibles avec le modèle scientifique (Ravanis, 2012[3]). Vous trouverez dans ci-après toute une série d’auteurs qui se sont intéressés aux interventions didactiques favorisant ce passage.

Les premiers modèles explicatifs construits en maternelle le sont souvent par l’intermédiaire de l’exploration des ombres. Pourtant, cette approche n’est pas sans difficulté. Certains auteurs dont Ravanis (2012)[4] ont d’ailleurs signalé l’importance de la reconnaissance de la lumière comme entité distincte comme préalable à d’autres apprentissages impliquant la propagation rectiligne de la lumière comme c’est le cas pour l’étude des ombres. Différents auteurs se sont ainsi intéressés aux nombreux obstacles inhérents à la formation des ombres. Martinand (1986)[5] en a identifié trois :
– une difficulté pour reconnaître le mécanisme de la formation de l’ombre ;
– une difficulté pour définir la place de l’ombre par rapport à celle de la source et de l’obstacle ;
– une difficulté pour identifier la correspondance entre le nombre des lampes et celui des ombres.

Dans sa recherche, Ravanis (1996)[6] a, lui,  identifié deux conceptions chez les jeunes élèves. La première est la substantialisation de l’ombre et l’attachement de l’ombre à l’objet. Vous trouverez plus d’informations sur celles-ci dans l’article de cet auteur. Dans sa thèse, Arnantonaki (2021)[7] présente également des obstacles liés au concept d’ombre respectivement pour l’école maternelle et primaire.

En maternelle, il est question d’amener l’élève à distinguer lumière et ombre, à construire la notion d’obstacle et de source “lumineuse”. Il s’agit de construire un modèle précurseur pour la formation des ombres intégrant la reconnaissance de la formation des ombres comme résultat de l’empêchement de la propagation de la lumière par un obstacle (Dumas-Carré et al., 2003[8]; Ravanis et al., 2005[9]). Ce modèle implique en fait une première approche de la propriété de propagation rectiligne de la lumière.

Par les diverses explorations autour des ombres et lumières, l’élève de maternelle est amené à découvrir des matériaux particuliers (transparents ou colorés) ou encore des objets usuels tel le miroir ou la lampe de poche. L’utilisation d’objets comme les instruments d’optique simples (ex : les loupes) lui permet aussi d’approcher les manifestations des phénomènes physiques liés à la lumière et qu’ils étudieront plus tard (ex : les effets de la lumière; Arnantonaki, 2021[10]).

La lumière joue un rôle essentiel pour le vivant. Aborder l’optique en maternelle, c’est aussi s’intéresser à la vue et aux organes des sens qui y sont liés. Les élèves associeront ainsi l’œil à la vue. Cela permettra, plus tard, d’entrer dans les mécanismes en jeu dans la vision.

Enfin, l’enjeu de cet enseignement est de constituer un prérequis à de futurs apprentissages, par exemple en astronomie au primaire ou au secondaire.

Remarque :

Notons que les modèles scientifiques de la lumière sont multiples. Celui qui est abordé à l’école est celui de l’optique géométrique. Dans ce modèle, on considère que la lumière se propage de rectiligne, en ligne droite dans un milieu homogène par des rayons lumineux qui peuvent se croiser sans interagir. Pour plus d’information sur l’évolution des modèles de la lumière et de l’ombre, le lecteur peut consulter la thèse d’Arnantonaki (2021).

Entrées faciles

L’article de Bebronne (2021)[11] montre l’exemple d’une séquence autour de la lumière et des ombres dans une classe de 3e maternelle. La démarche scientifique se déroule au départ d’une lecture d’album et est pensée pour éviter toute vision magique de la science.

La brochure thématique “Histoire d’y voir plus clair” de l’asbl Hypothèse propose des pistes pour permettre à l’élève de se poser des questions scientifiques à propos de l’optique et en particulier les instruments d’optiques, la lumière et les ombres. Les séquences proposées s’accompagnent d’éclairages didactiques et scientifiques

A propos de concepts physiques, Hartmann (2006)[12] propose un outil pratique reprenant des activités de classe sur diverses thématiques. Un chapitre est notamment consacré à la lumière. L’intérêt réside notamment dans les éclairages sur les conceptions des élèves de la maternelle au primaire.

A propos des ombres et lumières, l’ouvrage de Saint-Georges (2011)[13] se présente comme un outil permettant à la fois de découvrir des séquences pour les classes maternelles et d’apporter un éclairage scientifique et didactique.

L’ouvrage de Thouin (2006)[14] contient de nombreux exemples de problèmes que l’on peut proposer aux élèves de maternelle et primaire. Il s’agit ici d’une approche s’inspirant des recherches récentes en didactique des sciences permettant aux élèves de faire évoluer leurs conceptions par des solutions et/ou approches possiblement différentes, leur permettant ainsi de s’initier à la véritable nature du travail scientifique. Pour l’enseignant, chaque exemple est richement accompagné de suggestions de mises en situation, de repères culturels et historiques, de suggestions d’activités de structuration et d’enrichissement, etc. Le module 4 de l’ouvrage est consacré à la lumière et le son.

Un autre ouvrage plus récent de Thouin (2017)[15] présente la progression des apprentissages en sciences et technologies en offrant un aperçu d’activités d’enseignement qu’il est possible de mettre en œuvre. Les concepts scientifiques sont développés et des repères culturels autour de ces concepts sont fournis. Les principales difficultés d’apprentissage des élèves sont abordées en fin d’ouvrage. On y retrouve bien évidemment le concept de lumière.

Charles (2021)[16] propose un ouvrage sur l’exploration du monde vivant, des objets et de la matière à l’école maternelle. Des contributions de divers chercheurs questionnent l’éducation scientifique et technologique ainsi que leurs approches. Ainsi, Delserieys, Fragkiadaki et Kampesa abordent la compréhension de la formation des ombres chez des élèves de 4 à 6 ans par le dessin scientifique.

Écrits scientifiques

La recherche de Ravanis (1996) présente deux stratégies didactiques différentes pour initier les élèves de maternelle aux sciences physiques : la première stratégie basée sur le constructivisme piagétien, la seconde sur le socio-constructivisme. Deux séquences sont étudiées : l’une sur les aimants, l’autre sur les ombres.

La recherche de Dumas-Carré et al. (2003) s’intéresse au lien entre les interactions de l’enseignant avec les élèves et le processus conceptualisation des phénomènes au cours d’activités scientifiques sur la formation des ombres.

La recherche de Ravanis et al. (2005) porte sur l’analyse de l’efficacité de la construction d’un modèle précurseur pour le phénomène de formation de l’ombre chez des élèves de 5-6 ans. Deux interventions didactiques sont comparées : l’une conduite par une approche sociocognitive (avec modèle précurseur), l’autre reposant par une approche classique empirique.

L’étude de Resta-Schweitzer & Weil-Barais (2007) tente de cerner le rôle de l’éducation scientifique dans le développement intellectuel du jeune enfant entre 5 et 6 ans. Cette recherche est menée au départ d’une séquence d’activités concernant la formation des ombres visant à transformer la manière dont les enfants appréhendent les phénomènes physiques.

Dans leur recherche, Weil-Barais et Resta-Schweitzer (2008) explorent la médiation en contexte d’enseignement-apprentissage par une approche cognitive et développementale. L’étude porte sur une séquence destinée à des élèves de 3e maternelle (grande section) sur la formation des ombres.

La thèse de Resta-Schweitzeir (2011) interroge le rôle de l’éducation scientifique dans le développement intellectuel du jeune enfant; notamment la relation entre développement et apprentissage. Des séquences d’enseignement-apprentissage ont été expérimentées dans des classes de 3e maternelle (grande section) sur la formation des ombres.

La thèse d’Arnantonaki (2021) propose une étude de l’appropriation de modèles précurseurs de la lumière et de la formation des ombres par des enseignants de grande section de maternelle (5-6 ans).


Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires

Voici quelles pistes de réflexion pouvant amener à un travail de recherche à propos de l’optique en maternelle.

  • Questionner les expériences pouvant aider les enfants de maternelle à comprendre la formation des ombres ;
  • Interroger le rôle des albums de jeunesse pour amener des apprentissages à propos de la lumière ou des ombres ;
  • Investiguer l’utilisation de miroirs pour explorer la réflexion de la lumière ;
  • Questionner les obstacles que rencontrent les enseignants lors d’apprentissages à propos de ces concepts ;
  • etc.

[1] Tiberghien, A., Delacote, G., Ghiglione, R., & Matalon, B. (1980). Conception de la lumière chez l’enfant de 10-12 ans. Revue française de pédagogie, 24-41.

[2] Arnantonaki, D. (2021). Étude de l’appropriation de modèles précurseurs par des enseignants pour une éducation scientifique en grande section d’école maternelle: le cas de la lumière et de l’ombre (thèse de doctorat). Université de Bretagne occidentale et Université de Patras.

[3] Ravanis, K. (2012). Représentations des enfants de 10 ans sur le concept de lumière: perspectives piagétiennes. Schème: Revista Eletrônica de Psicologia e Epistemologia Genéticas, 4(1), 70-84.

[4] Ravanis, K. (2012). Représentations des enfants de 10 ans sur le concept de lumière: perspectives piagétiennes. Schème: Revista Eletrônica de Psicologia e Epistemologia Genéticas, 4(1), 70-84.

[5] Martinand J.-L. (1986) Connaître et transformer la matière. Berne : Peter Lang.

[6] Ravanis, K. (1996). Stratégies d’interventions didactiques pour l’initiation des enfants de l’école maternelle en sciences physiques. Revue de Recherches en Éducation: Spirale, 17, 161-176.

[7] Arnantonaki, D. (2021). Étude de l’appropriation de modèles précurseurs par des enseignants pour une éducation scientifique en grande section d’école maternelle: le cas de la lumière et de l’ombre (thèse de doctorat). Université de Bretagne occidentale et Université de Patras.

[8] Dumas-Carre, A., Weil-Barais, A., Ravanis, K., & Shourcheh, F. (2003). Interactions maître-élèves en cours d’activités scientifiques à l’école maternelle: approche comparative. Bulletin de Psychologie, 56(466), 493-508.

[9] Ravanis, K., Charalampopoulou, C., Boilevin, J. M., & Bagakis, G. (2005). La construction de la formation des ombres dans la pensée des enfants de 5-6 ans: procédures didactiques et sociocognitives. Spirale-Revue de recherches en éducation, 36(1), 87-98.

[10] Arnantonaki, D. (2021). Étude de l’appropriation de modèles précurseurs par des enseignants pour une éducation scientifique en grande section d’école maternelle: le cas de la lumière et de l’ombre (thèse de doctorat). Université de Bretagne occidentale et Université de Patras.

[11] Bebronne, M. (2021). Les ombres et la lumière. Traces de changements, (252), pp.20-21.

[12] Hartmann, M. (2006). La physique est un jeu d’enfant. Editions Le Pommier.

[13] Saint-Georges M. (2011). Ombres et lumières. Collection “Doubles pages pour l’école maternelle”. CRDP Limousin.

[14] Thouin, M. (2006). Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.

[15] Thouin, M. (2017). Enseigner les sciences et les technologies au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.

[16] Charles, F. (2021). Graines de scientifiques à la maternelle. Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière. EDP Sciences.