Introduction et balises
Le contexte actuel de l’enseignement des sciences est marqué par le développement des « éducations à/aux ». Par « éducations à/aux », il faut comprendre : éducation à la citoyenneté, à la santé, à l’alimentation, au développement durable, à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), etc.
Même si de tels enseignements existent de longue date, il s’agit maintenant d’un mouvement international assumé visant à impliquer dans les curriculums des dimensions éthiques et politiques, des comportements et des pratiques de références. Elles visent la transformation des pratiques sociales des élèves, en ne se limitant donc pas strictement aux concepts strictement scientifiques.
Dans un certain nombre de cas, les thématiques abordées par les « éducations à/aux » engendrent des débats de société. Ces Questions Socialement Vives (QSV) sont ce que Fabre[1, 2] (2016, 2014a, 2014b) appelle des « problèmes complexes flous », reconnaissables par :
- Une incertitude sur les données et les conditions.
- Une absence de critère pour décider de la bonne solution.
- Une absence de procédure de résolution.
Ainsi, la construction du problème ne peut pas se faire uniquement sur le registre scientifique. Le problème implique de se positionner sur le faisable, le souhaitable et le proscrit. Un arbitrage est réalisé entre les différentes contraintes ; à priori, aucun arbitrage ne va de soi.
Le triangle de l’expertise (Fleury et Fabre, 2007 ; Fabre, 2014b).
Plusieurs chercheurs ont alors identifié des dérives (dogmatique, relativiste ou militante) de ces QSV. Pour chacune d’elle, les multiples dimensions de ces QSV sont écrasées pour n’en privilégier qu’une :
- L’attitude technocratique réduisant le problème étudié à un problème soi-disant strictement scientifique (Fleury et Fabre, 2007 ; Fabre, 2014a), par exemple lorsque les acteurs prétendent à la neutralité.
- Au contraire, la survalorisation de la dimension axiologique au détriment de la dimension scientifique (Fabre, 2014, 2016 ; Grémaud et Roy, 2017). Dans cette dérive, les opinions se succèdent induisant un certain relativisme.
- Ou encore, le « militantisme des bonnes pratiques » (Fabre, 2014b, 2016) comme volonté de transmettre une série de gestes et au détriment de la réflexion des élèves. Il peut alors s’agir de culpabiliser davantage que de responsabiliser.
Contre ces dérives, Fabre (2016, chap. 7) propose une démarche en trois étapes :
- L’élucidation des enjeux, c’est-à-dire identifier les dimensions (scientifique ? éthique ? sociale ? économique ? etc.) devant être retenues pour traiter la question.
- Puis la construction du problème, c’est-à-dire décider des dimensions à privilégier et envisager à quelle solution ce choix conduit.
- Élaborer des prises de position argumentées aboutissant à des solutions.
Ainsi, le traitement d’une QSV, lorsqu’il échappe aux dérives communes, ne conduit pas à débattre de « qui a raison » dans la mesure où le traitement du problème convoque d’autres registres que celui des sciences. Ainsi, pour Fabre (2014b), l’enseignant prend d’office trois rôles :
- Une vigilance épistémologique, c’est-à-dire la distinction entre les jeux de langage (scientifique, éthique, politique, etc.);, l’enseignant de sciences se faisant garant avant tout de la dimension scientifique du problème.
- Une éducation au politique, à distinguer d’une posture politique, par exemple en identifiant les différents acteurs impliqués dans un problème, les positionner, identifier les conflits d’intérêts, etc.
- Une formation à la prudence, qui n’est pas une éducation morale mais qui signifie plutôt de repérer les principes et valeurs implicites à chaque argumentation.
Nous le voyons, les difficultés et les enjeux sont considérables. Le rôle de l’enseignant est un peu bousculé par rapport aux enseignements strictement scientifiques puisqu’il doit désormais non pas enseigner un savoir présenté d’ordinaire comme « vrai ». Dans ces éducations à/aux, il s’agit d’aider les élèves à se positionner sur des problèmes qui ne sont pas uniquement scientifiques et qui peuvent conduire alors parfois à des dérives.
Entrées faciles
Des entrées faciles portant sur l’éducation relative à l’environnement, au développement durable et à la biodiversité, l’alimentation (primaire ou secondaire, en lien avec la nutrition humaine), ou encore à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) sont disponibles dans chaque page dédiée.
Écrits scientifiques
Le « Dictionnaire critique des enjeux et concepts des « éducations à » » est un volumineux ouvrage dirigé par Barthes, Lange et Tutiaux-Guillon (2017)[3] qui guidera les premières recherches sur l’une vingtaine d’« éducations à/aux ». L’ouvrage propose également des entrées par concepts : argumentation, controverse, émancipation, systémique, etc.
Un ouvrage collectif dirigé par Fabre, Weil-Barais et Xypas « Les problèmes complexes flous en éducation » (2014) croise les regards sur l’enseignement des problèmes de société au sein des enseignements artistiques et scientifiques.
Plusieurs autres publications de Michel Fabre présentent des réflexions et des repères intéressants pour penser les éducations à/aux. L’auteur lie l’objectif de construction d’une opinion raisonnée par les élèves à l’apprentissage par problématisation.
- Fabre, M. (2014b). Les « Éducations à » : problématisation et prudence. Éducation et socialisation, 36. URL : http://journals.openedition.org/edso/875
- Fabre, M. (2016). Le sens du problème. Problématiser à l’école ?. De Boeck Éducation. Ici, le domaine d’exemplification est le développement durable mais le propos se transfère aisément à d’autres domaines.
Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires
À venir.
[1] Fabre, M. (2016). Le sens du problème. Problématiser à l’école ?. De Boeck Éducation.
[2] Fabre, M. (2014a). Le flou des questions socialement vives. Dans M. Fabre, A. Weil-Barais et C. Xypas (dir.), Les problèmes complexes flous en éducation (p. 19-35). De Boeck.
[3] Barthes, A., Lange, J.-M. et Tutiaux-Guillon, N. (2017). Dictionnaire critique des enjeux et concepts des « éducations à ». L’Harmattan.