Introduction et balises
Au cours du temps, l’école s’est progressivement tournée vers l’extérieur et notamment vers les musées ou les lieux du patrimoine. Les musées ont d’ailleurs répondu à cet intérêt et ses contenus se sont progressivement “scolarisés” (Cohen et Girault, 1999[1]). Le rapprochement entre l’école et le musée s’est fait de plus en plus étroit. Cependant, même si ces deux institutions sont deux lieux de diffusion de connaissances, de nombreuses différences apparaissent comme les finalités, le statut du public visé, le temps mis à disposition, les caractéristiques du lieu occupé, la nature des activités et les contenus en jeu.
La visite d’un musée ou de tout lieu du patrimoine est un moment qui permet aux élèves de voir et d’observer une multitude d’objets, des machines, des instruments, d’animaux, de plantes inaccessibles dans leur quotidien (Thouin, 2017[2]). Dans un musée, des objets dits “authentiques” sont présentés dans un espace donné et servent de support pour le discours muséal. Ils servent de porte d’entrée à la compréhension de l’objet (Triquet, 2000). La mise en scène muséographique, autrement dit la façon dont sont agencés ces objets, joue également un rôle auprès du visiteur en l’emportant dans une démarche de comparaison, de mise en relation, etc. Une visite au musée agit donc sur le visiteur, qu’il soit élève ou non.
Aujourd’hui, avec la réforme du Pacte pour un Enseignement d’excellence et l’intégration du Parcours d’Éducation Culturelle et Artistique (PECA), la question de la relation entre le musée et l’école prend encore plus de sens. Des moments de rencontres sont envisagés dans le parcours scolaire avec des lieux porteurs de notre culture et de notre patrimoine (visites de musées ou d’industries, découverte de monuments ou d’expositions, rencontres avec des professionnels). Ces lieux amènent curiosité, questionnement et motivation à découvrir. Ils peuvent amener les élèves à développer des compétences, des savoirs et savoir-faire particuliers. Néanmoins, pour que ces rencontres avec les musées (ou autres partenaires culturels) aient du sens, il est nécessaire que celles-ci soient pensées et intégrées de manière judicieuse dans les démarches d’apprentissage. Divers auteurs se sont ainsi penchés sur la question. Triquet (2000)[3] s’est par exemple intéressé au moment d’insertion de la visite dans une démarche d’apprentissage planifiée par l’enseignant. Il distingue les visites de type « sensibilisation”, “structuration” et “investigation”. Cette typologie a pour intérêt de ne pas réduire la visite au musée en une simple accroche ou illustration des contenus vus en classe. Elle interroge l’intention et les objectifs poursuivis par l’enseignant, la préparation nécessaire en amont, le type d’activités proposées dans le musée, les intervenants, etc.
C’est en explorant ce type de questions que la visite muséale pourra prendre sens et s’intégrer avec complémentarité avec ce qui est fait à l’école. Nous vous proposons de découvrir ci-après divers auteurs qui se sont penchés depuis de nombreuses années sur ces problématiques.
Entrées faciles
Les cahiers “Ecoles – Musées – Plus qu’une parenthèse” de l’asbl Hypothèse proposent des collaborations effectives entre les enseignants et les acteurs de l’éducation informelle. Ils présentent des moments de rencontre entre ces partenaires permettant de réaliser des séquences de cours intégrant de manière judicieuse la visite d’un musée, d’un lieu de patrimoine, d’une industrie ou de tout autre lieu de diffusion des sciences.
L’ouvrage “La révolution de la muséologie des sciences : vers les musées du XXIe siècle ?” de Schiele et Koster (1998)[4] dresse un état des lieux sur le sujet par l’intermédiaire de diverses contributions de chercheurs et dessine ainsi les grands traits des changements dans la muséologie des sciences et des technologies.
L’ouvrage “Graines de scientifiques en maternelle” de Charles (2021)[5] sur l’exploration du monde vivant, des objets et de la matière à l’école maternelle présente des contributions de divers chercheurs questionnant l’éducation scientifique et technologique ainsi que leurs approches. Cohen-Azria[6] y aborde les particularités de l’accueil des classes des tout jeunes élèves dans les musées de sciences.
L’ouvrage de Cohen-Azria (2001)[7] amène une réflexion sur les relations entre l’école et le musée. Il propose un éclairage sur cette problématique suivi de la présentation d’une recherche-action sur l’apprentissage de la lecture de l’exposition par les élèves.
Écrits scientifiques
Généralités
Triquet (2000) propose dans cet article un cadre introductif à propos de la relation entre l’école et le musée. Il y présente l’historique de la relation école-musée et une typologie des visites scolaires qui permet de situer celles-ci dans une démarche pédagogique. Cet article pose les balises pour l’article ci-après du même auteur.
L’article de Triquet (2001) questionne la place d’activités d’écriture et de réécriture suite à une visite de musée. Son analyse cherche à déterminer en quoi, et à quelles conditions, la production des écrits permet d’engager, d’une part, un travail d’explicitation, de structuration et de construction de connaissances, d’autre part, d’explication des phénomènes biologiques présentés au musée.
L’article de Cohen-Azria (2011) s’intéresse aux lieux de rencontre entre les musées et l’école, à la diversité des pratiques muséales et aux statuts de l’élève-visiteur en intégrant une approche historique.
Dans son article, Cohen-Azria (2012)[8] met en avant la tension existant entre deux statuts relevant de deux institutions : l’élève et le visiteur. Elle présente différentes études portant sur la visite scolaire au musée et notamment sur le statut de l’élève visiteur. Elle montre que chacune met en évidence et de façon singulière une facette de l’objet d’étude.
Un chapitre de l’ouvrage “Les contenus d’enseignement et d’apprentissage (Daunay et al., 2015)[9] est consacré à une recherche de Cohen-Azria et Dias-Chiaruttini portant sur l’analyse des contenus en jeu dans la visite scolaire au musée et interroge la spécificité de la visite scolaire au musée dans le but d’identifier les questions méthodologiques qui en découlent.
Dans sa contribution “Sujet visiteur, Sujet chercher : questionner les implicites”, Cohen-Azria (2017) revient l’article « L’enfant, l’élève, le visiteur ou la formation au musée » (Lettre de l’OCIM, 80, mars-avril 2002) qui présentait les enjeux d’une expérience menée vers l’élève-visiteur privilégiant l’interprétation de l’objet et l’acquisition des codes de lectures d’une exposition.
Fortin-Debart (2002) propose une recherche centrée sur la caractérisation de l’offre muséale et des médiations proposées et questionne l’intégration des nouvelles orientations éducatives mises en avant par les recherches en ERE (éducation relative à l’environnement) et en sciences de l’éducation.
L’article de Cohen-Azria et Dias-Chiaruttini (2017) a pour objet une exposition muséale scénographie créée au départ d’un album de jeunesse bien connu “De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête” de W. Holzwarth et illustré par W. Erlbruch. Les auteurs invitent à questionner cette visite muséale par un regard croisé à la fois en didactique des sciences et en didactique du français.
Une autre recherche de Cohen-Azria (2018) questionne les fonctions émancipatrices des visites scolaires au musée et ses conditions. L’étude porte sur trois sujets liés à ces visites muséales : le sujet didactique, le sujet institutionnel et le sujet concepteur de discours.
Dans la présentation du numéro “Recherches sur l’école et ses partenaires scientifiques. Quels partenariats ? Quelles recherches didactiques ?” (RDST, numéro 13), Cohen-Azria et Coquidé (2016) interrogent le statut des partenaires scientifiques, les visées et le sens du partenariat, les niveaux de collaboration observés et les rôles des différents acteurs.
Le liminaire de Girault du numéro thématique “L’école et ses partenaires scientifiques” dans Aster (1999) fait le point sur l’école et ses partenaires tels que les musées. Il y présente les recherches consignées dans ce numéro et le contexte dans lequel elles s’inscrivent. Dans ce numéro spécial, divers articles de recherche sont proposés à la lecture. Il s’agit notamment de :
- Cohen et Girault (1999) proposent une étude sur l’évolution de la rencontre entre l’école et le musée, en comparant les missions, spécificités et moyens d’actions propres à chacune de ces deux institutions. Ils apportent ainsi un éclairage sur la transformation progressive de l’approche de la sortie scolaire au musée.
- Allard (1999) présente les origines de la collaboration entre l’école et le musée au Québec puis expose les modèles développés par le GREM (Groupe de recherche sur l’éducation et les musées). Par la même occasion, il tend à démontrer en quoi les démarches des musées diffèrent de la démarche d’apprentissage à l’école tout en la complétant.
- Orellana et De La Jara (1999) présente une partie du travail mené par le Musée des enfants (Chili) pour assurer une complémentarité dans l’éducation en science et technologie notamment par la création d’espaces d’interaction entre le musée et l’école. Cette recherche s’inscrit dans le cadre de la réforme éducative au Chili.
- Fortin-Debart (1999) clarifie le rôle que peuvent jouer les institutions muséales dans l’éducation à l’environnement en proposant une typologie des différentes formes de médiation qu’elles peuvent assurer (présentation de la biodiversité, responsabilisation par la biais de projets, valorisation et aménagement du territoire).
- Guichard (1999) revient sur deux expositions mises en place dans le cadre d’un partenariat école-musée. Après une présentation de la spécificité du musée par rapport à l’école, l’auteur décrit le rôle du partenariat dans la conception et la mise en place de l’exposition ainsi que dans l’organisation de la visite. Il termine son propos par les effets sur les élèves et les enseignants.
- Triquet et Laperrière-Tacussel (1999) présentent un travail portant l’impact du type de discours du guide lors d’une visite guidée d’un musée de paléontologie avec des élèves du collège. Les atouts et les limites de ces visites guidées sont discutées et d’autres propositions de modalités de visite sont explorées.
- Royon, Hardy et Chrétiennot (1999) présentent une recherche portant sur les ressources d’un partenariat entre institutions éducatives,les potentialités d’évolution des acteurs de l’éducation et les capacités à apprendre des enfants. Des obstacles épistémologiques rencontrés par les adultes au cours du processus de transformation de leur pratique et des pistes de dépassement mises en place sont mis en évidence dans cet article.
Une autre recherche de Triquet (2007) traite de la construction de récits de fiction scientifique par des élèves et d’enseignants en formation sur et à propos d’une exposition d’un musée d’histoire naturelle.. L’analyse traite des effets d’un tel travail et au rôle médiateur joué par ce type de support habituellement très employé par les musées.
L’article de Triquet (2009), diffusé dans les actes du 131e congrès national des sociétés historiques et scientifiques (Grenoble, 2006), reprend cette recherche s’intéressant à la réception des dioramas présentés dans les muséums d’histoire naturelle par les publics scolaires (élèves du secondaire et enseignants en formation).
A propos de la biologie et de l’éducation à l’environnement
Cohen, Godart, Roger et Girault (1996) proposent une analyse d’une visite originale de la Grande Galerie de l’Evolution pour les enfants de cinq à sept ans comprenant une animation basée autour d’un conte et abordant le thème de la diversité des organismes dans la diversité des milieux.
Zwang et Girault (2019), dans l’éditorial du numéro “L’éducation à l’environnement au sein des aires protégées et des musées” (Éducation relative à l’environnement – Regards, recherches et réflexions, volume 15), questionnent notamment la définition de la muséologie de l’environnement, les rapports entre muséologie de l’environnement et éducation et les enjeux et implications des musées et aires protégées. Dans ce même numéro, diverses recherches sont rassemblées sur ce thème. Ces articles ne sont pas directement liés à la classe mais peuvent amener un éclairage sur la visée éducative des musées. Citons par exemple :
- L’étude de Conversy, Dozières et Turpin explore l’évolution du programme de sciences participatives “Vigie-Nature” développé par le Muséum national d’Histoire naturelle français et questionne la diversification et l’articulation des objectifs qui en ont découlé.
- La recherche de Guertin et al. questionne quant à elle l’éducation relative à l’environnement dans la Réserve de biosphère du mont Saint-Hilaire. Elle fait part des observations et des tensions qui en découlent.
- La recherche de Boudjema porte sur l’analyse de sites web de musées liés à l’éducation relative à l’environnement.
A propos de l’astronomie et de la géologie
L’article de Merle (2002) montre comment travailler la forme de la Terre à partir de la visite d’un planétarium (9-10 ans).
Azoulay et Acker (2003) ont élaboré un projet de spectacle diffusé dans des planétariums. Ils sont ensuite mené une enquête auprès de médiateurs et des publics de planétariums afin d’interroger l’intérêt de la diffusion d’un tel spectacle en milieu scolaire, urbain ou rural, notamment l’impact sur la vision de l’Univers et de la Terre.
Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires
S’intéresser à la relation musée/école dans le cadre de l’enseignement des sciences, c’est par exemple :
- s’interroger sur la place d’une visite d’une musée dans une démarche d’apprentissage en sciences ;
- questionner le rôle de l’enseignant lors de la visite ainsi que des autres intervenants ;
- se pencher sur le statut de l’élève lors d’une visite dans un lieu du patrimoine ;
- questionner les espaces d’interactions entre le musée/le lieu du patrimoine et l’école ;
- identifier les compétences développées par les élèves lors d’une visite chez un partenaire ;
- interroger les intérêts et les limites de l’intégration des ressources des musées et autres partenaires dans les apprentissages ;
- questionner les collaborations possibles entre l’école et l’extérieur ;
- etc.
[1] Cohen, C., & Girault, Y. (1999). Quelques repères historiques sur le partenariat école-musée ou quarante ans de prémices tombées dans l’oubli. Aster, 29, 9-26.
[2] Thouin, M. (2017). Enseigner les sciences et les technologies au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.
[3] Triquet, E. (2000). La relation école-musée. Grand N, 66, 93-106.
[4] Schiele, B., & Koster, E. (1998). La révolution de la muséologie des sciences: vers les musées du XXIe siècle?. Presses Universitaires Lyon.
[5] Charles, F. (2021). Graines de scientifiques à la maternelle. Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière. EDP Sciences.
[6] Cohen-Azria, C. (2021). Les musées de sciences, des lieux riches pour l’accueil des classes de maternelle. In Graines de scientifiques en maternelle (pp. 181-202). EDP Sciences.
[7] Cohen-Azria, C. (2002). Quand l’enfant devient visiteur : une nouvelle approche du partenariat école/musée. L’Harmattan.
[8] Cohen-Azria, C. (2012). La visite scolaire au musée comme objet de construction du chercheur. Recherches, 57(2), 159-169.
[9] Daunay, B., Fluckiger, C., & Rouba, H. (2015). Les Contenus d’enseignement et d’apprentissage. Approches didactiques. Presses universitaires de Bordeaux.