Histoire et évolution du vivant (secondaire)

Introduction et balises

L’enseignement de la théorie de l’évolution constitue plus qu’un modèle scientifique ou un domaine de la biologie parmi d’autres ; c’est véritablement un paradigme dans la mesure où elle permet d’expliquer l’intégralité de la biologie, par une histoire du vivant.

Depuis la parution, en 1859, du livre de Darwin “L’origine des espèces”, les idées darwiniennes ont avancé. Grâce aux diverses découvertes cruciales telles que la découverte de la double hélice d’ADN, la génétique et la biologie moléculaire, le concept d’évolution s’est progressivement enrichi et a trouvé un support matériel aux phénomènes évolutifs.

Seulement cette théorie est soumise à des critiques, soit du fait d’une difficulté à la comprendre (Coupaud et Jégou, 2016[1] ; Allmon, 2011), soit de courants religieux qui la trouvent incompatible avec un discours rigoriste (Aroua, Coquidé et Abbes, 2013), soit encore de tentatives de différents acteurs plus ou moins honnêtes dans leur démarche. Les débats engendrés interrogent le statut de la science qui se retrouve entre autres mise à l’épreuve par des pseudo-scientifiques.

Au niveau des élèves, de nombreuses difficultés ont été recensées ; par exemple par Fortin[2] (2009, p.55) :

Il importe donc de bien connaître cette théorie / ce paradigme. Le rapport à l’épistémologie et à la philosophie des sciences est là particulièrement important car les contre-arguments à cette théorie / ce paradigme ne jouent généralement pas sur les mêmes exigences que celles des scientifiques.

D’autre part, c’est l’occasion de construire une image des sciences moins caricaturale que ce qui est souvent véhiculé par les médias ou même parfois à l’école. Dans ce paradigme, le travail d’imagination et de modélisation que fait le scientifique est capital. La démarche expérimentale n’est pas pour autant absente mais elle a un rôle moins prépondérant que dans d’autres domaines scientifiques. En effet, historiquement cette théorie s’est longtemps construite sur base d’un travail de reconstruction historique, donc avec une expérimentation indirecte, ou à postériori. C’est pourquoi cette théorie peut être qualifiée de science historique.

Mais l’histoire des sciences peut jouer encore lorsqu’il s’agit de faire une historie des sciences :

modèle fixiste, modèle spontanéiste, modèle créationniste, modèle lamarckiste (transformiste), modèle darwiniste (évolutionniste). Certains auteurs, comme Crépin (2002) se sont intéressés dans leurs recherches à faire des liens entre ces théories et les conceptions des élèves. Découvrir avec les élèves la façon dont les théories relatives à l’évolution des vivants ont été construites au cours du temps, décrire le contexte particulier dans lequel elles ont pris naissance, permet par ailleurs d’aborder avec les élèves la nature des sciences, l’épistémologie.

L’idée de l’évolution n’est pas introduite en tant que telle à l’école primaire mais initiée par le biais de la découverte de l’unité et de la diversité du vivant ainsi que par une première approche de la classification phylogénétique. Cela ne sera qu’en secondaire que le concept d’évolution sera enseigné de façon explicite.

La théorie de l’évolution ne se limite par au mécanisme de sélection naturelle. Les mutations aléatoires, la dérive génique, etc. sont également des aspects importants. Cette théorie demande également un mécanisme héréditaire (génétique mendélienne) et un raisonnement populationnel probabiliste (génétique des populations) car l’évolution se fait par diffusion d’un allèle au sein d’une population. La population est donc l’unité de base à partir de laquelle l’on raisonne dans cette théorie et non pas l’individu.


Entrées faciles

L’ouvrage « Guide critique de l’évolution » (Lecointre dir., 2021, nouvelle édition) est une référence récente et très complète. Il fait le point sur tous les aspects liés à ce paradigme de la biologie. Les auteurs présentent d’abord un rappel théorique très complet, qui est articulé à des notions de philosophie des sciences (ex : en quoi la science diffère du dessein intelligent). Sont également présentées les idées reçues à ce sujet et des clarifications, les difficultés qu’on rencontre à comprendre certains aspects, etc. Enfin, il y a beaucoup d’exemples utilisables en classe ou ailleurs.


En complément, l’ouvrage de Fortin (2009) « L’évolution à l’école. Créationnisme contre darwinisme ? ».

“Comprendre l’évolution. 150 ans après Darwin” à l’initiative de Probio asbl sous la direction de Cobut est un ouvrage proposant des mises au point des concepts en jeu, des réflexions sur l’épistémologie et des pistes pour l’enseignement.

Un détour par quelques ouvrages historiques peut être utile : 

Ou des ouvrages d’histoire des sciences :

  • Morange, M. (2016). Une histoire de la biologie. Éditions du Seuil.
  • Giordan, A. (1989). Histoire de la biologie. Technique et documentation

L’ouvrage “L’évolution, un enseignement à risque ?” sous la direction de Coquidé et Tirard (2009)[3] analyse la réalité de l’enseignement de l’évolution du vivant, la nature des obstacles didactiques ou socioculturels à destination des enseignants.

L’ouvrage de Thouin (2006)[4] contient de nombreux exemples de problèmes que l’on peut proposer aux élèves de maternelle et primaire. Il s’agit ici d’une approche s’inspirant des recherches récentes en didactique des sciences permettant aux élèves de faire évoluer leurs conceptions par des solutions et/ou approches possiblement différentes, leur permettant ainsi de s’initier à la véritable nature du travail scientifique. Pour l’enseignant, chaque exemple est richement accompagné de suggestions de mises en situation, de repères culturels et historiques, de suggestions d’activités de structuration et d’enrichissement, etc. Le module 15 de l’ouvrage est consacré à la classification et à l’évolution des êtres vivants.


Écrits scientifiques

Une thèse récente de Gobert (2014) ainsi qu’un article de la même autrice (2020) porte sur l’enseignement de la pensée évolutionniste. Une autre thèse de Poncelet (2018) porte sur l’enseignement du concept de sélection naturelle en fin de primaire. La thèse d’Aroua (2006) s’intéresse à l’enseignement de l’évolution du vivant en Tunisie et à son statut scientifique par un travail au départ de débats en classe.

La thèse de Lhoste (2008) porte également sur l’enseignement de l’évolution et le concept d’ancêtre commun hypothétique. La place des activités langagières pour avancer dans ces enseignements y est centrale.

L’article de Chanet et Cottour (2006) montre le travail qui peut être mené avec les élèves de fins de secondaire sur des écrits scientifiques et historiques pour comprendre l’origine du darwinisme et construire une image des sciences adéquate. L’article de Aroua, Coquidé et Abbes (2012) prend la forme d’une petite note de synthèse dans laquelle des stratégies d’intervention sont présentées pour l’enseignement secondaire supérieur et la formation des enseignants

Enfin, l’article de Fortin et Reier-Røberg (2016) est une enquête sur la nature de la causalité mobilisée par les élèves pour la biologiste évolutive et l’écart éventuel avec la causalité des biologistes.

Deux ouvrages très accessibles portent sur l’épistémologie et l’enseignement de l’évolution :

L’étude de cas d’Aroua, Coquide et Abbes (2013) s’intéresse aux obstacles des élèves de 18-21 ans (terminale, Tunisie) à propos de l’évolution du vivant et propose des pistes d’accompagnement sous la forme de réflexions épistémologiques sur la nature des sciences. La recherche de Hrairi et Coquidé (2002) étudie les rapports des élèves de 18-19 ans (4e année secondaire, Tunisie) avec le concept d’évolution biologique. Les chercheurs s’intéressent notamment aux postures d’apprentissage et au rapport au savoir de ces élèves.
La recherche de Crépin (2002) s’intéresse aux conceptions d’élèves de 9-12 ans (cycle 3, France) à propos de l’origine des espèces. Pour son analyse des résultats, elle utilise des grands courants de pensée sur  l’histoire du vivant et en fait des liens.

L’article d’Anderson (2007), en langue anglaise, propose de réfléchir à l’enseignement de la théorie de l’évolution en tenant compte, avec précaution, du contexte particulier aux  niveaux social, intellectuel et pédagogique dans lequel les élèves sont baignés. L’article de Allmon (2011) (en langue anglaise) interroge les causes du rejet de l’évolution et formule des recommandations pour l’enseignement.

La thèse de Jégou (2009) s’interroge sur l’enseignement de l’évolution des êtres vivants en étudiant le rapport au savoir des enseignants du primaire (cycle 3, France) mais également les conceptions des élèves de ce même niveau sur les questions d’apparition et d’évolution des espèces vivantes dans le but de définir les obstacles à l’apprentissage et envisager des pistes pour l’enseignement.


Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires

Explorer l’enseignement de l’évolution, c’est par exemple :

  • S’interroger sur les difficultés des élèves dans l’apprentissage d’un aspect particulier de cette théorie et identifier des leviers.
  • S’interroger sur les autres enseignements biologiques qui peuvent être éclairés par la théorie de l’évolution.

[1] Coupaud, M., & Jégou, C. (2016) Les conceptions de collégiens sur l’évolution du vivant en France. 9e rencontres de l’ARDiST : https://ardist.org/wp-content/uploads/2016/06/Actes-ARDiST-Lens-2016-2.pdf

[2] Fortin, C. (2009). L’évolution à l’école. Créationnisme contre darwinisme ? Armand Colin.

[3] Coquidé, M., Tirard, S., & Aroua, S. (2008). L’évolution du vivant: un enseignement à risque? Vuibert/Adapt-Snes.

[4] Thouin, M. (2006). Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.