Introduction et balises
A l’école primaire, l’élève poursuit la découverte de son environnement proche. Par le biais de cette rencontre déjà initiée en maternelle, l’élève va progressivement développer des représentations du monde physique et de ses phénomènes. Celles-ci jouent un rôle important lors des apprentissages.
La lumière fait partie du quotidien des élèves. Pourtant, il s’agit d’un concept présentant une grande complexité pour eux. Émise par des sources lumineuses, elle interagit avec des objets sur son passage. Elle possède la propriété de se propager de manière rectiligne mais véhicule aussi de l’information sur la forme, la couleur ou les dimensions d’un objet (en lien avec la vision). On voit un objet grâce à la lumière et, pourtant, on ne voit pas la lumière. Selon Tiberghien (1980)[1] cette particularité amène probablement une difficulté importante dans la conceptualisation de la lumière.
Les élèves du primaire ont des difficultés à reconnaître l’existence de la lumière dans l’espace mais cela n’est pas tout. Un obstacle majeur est leur difficulté à considérer la lumière comme étant une entité indépendante et distincte des sources qui l’émettent (Ravanis, 2008[2]). Selon les recherches, cette assimilation de la lumière à sa source conduit les élèves à associer la lumière exclusivement à sa source ou aux effets visibles qu’elle provoque (Arnantonaki, 2021[3]; Ravanis, 2012[4]). Pourtant, si la lumière est reliée strictement aux sources lumineuses, il est impossible pour l’élève de comprendre les phénomènes impliquant la propagation rectiligne de la lumière dans toutes les directions comme c’est le cas dans la formation des ombres, les phénomènes de diffusion, la formation des images par les miroirs ou les lentilles (Ravanis, 2008[5]). Par conséquent, la reconnaissance de la lumière comme une entité distincte de la source semble être un préalable à toute activité relative à l’enseignement sur le concept de la lumière. Il s’agit d’amener l’élève à passer de ces conceptions quotidiennes et spontanées, très résistantes, à d’autres plus compatibles avec le modèle scientifique (Ravanis, 2012[6]).
Plusieurs auteurs (Ravanis, 2012[7] et 2008[8]; Castro, 2018[9]) se sont d’ailleurs intéressés aux interventions didactiques permettant le passage à de nouvelles conceptions compatibles avec le modèle scientifique de la lumière de l’optique géométrique. Vous retrouverez les liens vers leurs articles ci-après.
Les premiers modèles explicatifs construits à l’école le sont souvent par l’intermédiaire de l’exploration des ombres. Pourtant, cette approche n’est pas sans difficulté. Certains auteurs (Ravanis, 2012[10]) ont d’ailleurs signalé l’importance de la reconnaissance de la lumière comme entité distincte comme préalable à d’autres apprentissages impliquant la propagation rectiligne de la lumière comme c’est le cas pour l’étude des ombres.
Plusieurs auteurs se sont intéressés aux obstacles inhérents à la formation des ombres. Martinand (1986)[11] en a identifié trois :
– une difficulté pour reconnaître le mécanisme de la formation de l’ombre ;
– une difficulté pour définir la place de l’ombre par rapport à celle de la source et de l’obstacle ;
– une difficulté pour identifier la correspondance entre le nombre des lampes et celui des ombres.
Dans sa thèse, Arnantonaki (2021)[12] présente également des obstacles liés au concept d’ombre respectivement pour l’école maternelle et primaire.
A l’école primaire, il est question d’amener l’élève progressivement à distinguer lumière et ombre, à construire la notion d’obstacle et de source “lumineuse”. Il s’agit de construire un modèle précurseur pour la formation des ombres intégrant la reconnaissance de la formation des ombres comme résultat de l’empêchement de la propagation de la lumière par un obstacle (Dumas-Carré et al., 2003[13]; Ravanis et al., 2005[14]). Ce modèle implique en fait une première approche de la propriété de propagation rectiligne de la lumière.
Par les diverses explorations autour des ombres et lumières, l’élève de primaire est amené à découvrir des matériaux particuliers (transparents ou colorés) ou encore des objets usuels tel le miroir ou la lampe de poche. L’utilisation d’objets comme les instruments d’optique simples (ex : les loupes) lui permet aussi d’approcher les manifestations des phénomènes physiques liés à la lumière et qu’ils étudieront plus tard (ex : les effets de la lumière; Arnantonaki, 2021).
La lumière joue un rôle essentiel pour le vivant. Aborder l’optique en primaire, c’est aussi s’intéresser à la vue et aux organes des sens qui y sont liés. Les élèves auront l’occasion de s’interroger sur la perception de la lumière par l’organisme. Cela permettra, plus tard, la construction de “modèles” permettant d’expliquer les mécanismes en jeu dans la vision.
Enfin, l’enjeu de cet enseignement est de constituer un prérequis à de futurs apprentissages, par exemple en astronomie au primaire (découverte du système solaire, rotation et révolution de la Terre en lien avec l’alternance jour/nuit) ou au secondaire.
Différents modèles scientifiques ont été développés pour étudier la lumière. Au niveau de l’enseignement primaire, le modèle retenu est celui de l’optique géométrique. Dans celui-ci, on considère que la lumière se propage de rectiligne, en ligne droite dans un milieu homogène par des rayons lumineux qui peuvent se croiser sans interagir. Pour plus d’information sur l’évolution des modèles de la lumière et de l’ombre, le lecteur peut consulter la thèse d’Arnantonaki (2021).
Entrées faciles
A propos de concepts physiques, Hartmann (2006)[15] propose un outil pratique reprenant des activités de classe sur diverses thématiques. Un chapitre est notamment consacré à la lumière. L’intérêt réside notamment dans les éclairages sur les conceptions des élèves de la maternelle au primaire.
Dans la partie 3 de leur ouvrage, Tavernier et al. (2009)[16] proposent un éclairage scientifique sur la lumière (et les ombres) et des pistes méthodologiques pour développer ce concept avec des élèves du primaire.
L’ouvrage de Thouin (2006)[17] contient de nombreux exemples de problèmes que l’on peut proposer aux élèves de maternelle et primaire. Il s’agit ici d’une approche s’inspirant des recherches récentes en didactique des sciences permettant aux élèves de faire évoluer leurs conceptions par des solutions et/ou approches possiblement différentes, leur permettant ainsi de s’initier à la véritable nature du travail scientifique. Pour l’enseignant, chaque exemple est richement accompagné de suggestions de mises en situation, de repères culturels et historiques, de suggestions d’activités de structuration et d’enrichissement, etc. Le module 5 de l’ouvrage est consacré à la lumière et au son.
La brochure thématique “Histoire d’y voir plus clair” de l’asbl Hypothèse propose des pistes pour permettre à l’élève de se poser des questions scientifiques à propos de l’optique et en particulier les instruments d’optiques, la lumière et les ombres. Les séquences proposées s’accompagnent d’éclairages didactiques et scientifiques.
Écrits scientifiques
La recherche de Tibergien(1980) s’intéresse aux conceptions des élèves à propos de la lumière en fin de primaire (9-12 ans).
La thèse d’Arnantonaki (2021) propose une étude de l’appropriation de modèles précurseurs de la lumière et de la formation des ombres par des enseignants de grande section de maternelle (5-6 ans). Il y retrace aussi l’évolution du modèle de la lumière et présente les conceptions des élèves de maternelle et primaire à propos de la lumière et des ombres.
Ravanis (2008) se penche sur une réflexion d’un modèle didactique pour la construction cognitive du concept de lumière et permettant le franchissement de l’obstacle d’assimilation de la lumière à sa source chez des élèves de 8 ans.
L’article de Ravanis (2012) interroge les représentations des élèves de 10 ans sur le concept de la lumière. Il propose une catégorisation de ces représentations dans le cadre de perspectives piagétiennes et tente une élaboration de pistes d’interventions didactiques pour dépasser celles-ci.
L’étude de Castro (2018) présente la comparaison de deux modèles d’enseignement (le premier basé sur les conceptions des élèves et le second sur une approche plus traditionnelle) sur l’apprentissage de la propagation rectiligne de la lumière par les élèves de 10-11 ans.
La recherche de Ravanis et Papamichael (1995) porte sur le rôle de la médiation sociale dans la déstabilisation du système de représentations spontanées d’élèves de 10-11 ans sur la propagation de la lumière.
L’article de de Hosson et Kaminski (2006) rend compte d’un dispositif d’enseignement du mécanisme de la vision, inspiré de l’histoire de sciences. Il est destiné à la fin de l’enseignement primaire / début du secondaire (P6-S1).
L’article de Dedes et Ravanis (2009) étudie l’efficacité d’un recours à l’histoire des sciences pour l’accès à l’optique géométrique des élèves de 12-16 ans.
Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires
Voici quelles pistes de réflexion pouvant amener à un travail de recherche à propos de l’optique en primaire :
- Questionner les expériences pouvant aider les enfants à comprendre la formation des ombres ;
- Interroger le rôle des albums de jeunesse pour amener des apprentissages à propos de la lumière ou des ombres ;
- Investiguer l’utilisation de miroirs pour explorer la réflexion de la lumière ;
- Questionner les obstacles que rencontrent les enseignants lors d’apprentissages à propos de ces concepts liés à la lumière et chercher comment les dépasser ;
- etc.
[1] Tiberghien, A. (1980). Conception de la lumière chez l’enfant de 10-12 ans. Revue française de pédagogie, 24-41.
[2] Ravanis, K. (2008). Le concept de lumière: une recherche empirique sur les représentations des élèves de 8 ans. Analele Ştiinţifice Universităţii Cuza: Ştiinţele Educaţiei, 12, 147-156.
[3] Arnantonaki, D. (2021). Étude de l’appropriation de modèles précurseurs par des enseignants pour une éducation scientifique en grande section d’école maternelle: le cas de la lumière et de l’ombre (thèse de doctorat). Université de Bretagne occidentale et Université de Patras.
[4] Ravanis, K. (2012). Représentations des enfants de 10 ans sur le concept de lumière: perspectives piagétiennes. Schème: Revista Eletrônica de Psicologia e Epistemologia Genéticas, 4(1), 70-84.
[5] Ravanis, K. (2008). Le concept de lumière: une recherche empirique sur les représentations des élèves de 8 ans. Analele Ştiinţifice Universităţii Cuza: Ştiinţele Educaţiei, 12, 147-156.
[6] Ravanis, K. (2012). Représentations des enfants de 10 ans sur le concept de lumière: perspectives piagétiennes. Schème: Revista Eletrônica de Psicologia e Epistemologia Genéticas, 4(1), 70-84.
[7] Ravanis, K. (2012). Représentations des enfants de 10 ans sur le concept de lumière: perspectives piagétiennes. Schème: Revista Eletrônica de Psicologia e Epistemologia Genéticas, 4(1), 70-84.
[8] Ravanis, K. (2008). Le concept de lumière: une recherche empirique sur les représentations des élèves de 8 ans. Analele Ştiinţifice Universităţii Cuza: Ştiinţele Educaţiei, 12, 147-156.
[9] Castro, D. (2018). L’apprentissage de la propagation rectiligne de la lumière par les élèves de 10-11 ans. La comparaison de deux modèles d’enseignement. European Journal of Education Studies. 4 (5).
[10] Ravanis, K. (2012). Représentations des enfants de 10 ans sur le concept de lumière: perspectives piagétiennes. Schème: Revista Eletrônica de Psicologia e Epistemologia Genéticas, 4(1), 70-84.
[11] Martinand J.-L. (1986) Connaître et transformer la matière. Berne : Peter Lang.
[12] Arnantonaki, D. (2021). Étude de l’appropriation de modèles précurseurs par des enseignants pour une éducation scientifique en grande section d’école maternelle: le cas de la lumière et de l’ombre (thèse de doctorat). Université de Bretagne occidentale et Université de Patras.
[13] Dumas-Carre, A., Weil-Barais, A., Ravanis, K., & Shourcheh, F. (2003). Interactions maître-élèves en cours d’activités scientifiques à l’école maternelle: approche comparative. Bulletin de Psychologie, 56(466), 493-508.
[14] Ravanis, K., Charalampopoulou, C., Boilevin, J. M., & Bagakis, G. (2005). La construction de la formation des ombres dans la pensée des enfants de 5-6 ans: procédures didactiques et sociocognitives. Spirale-Revue de recherches en éducation, 36(1), 87-98.
[15] Hartmann, M. (2006). La physique est un jeu d’enfant. Editions Le Pommier.
[16] Tavernier, R. et al. (2009). Enseigner les sciences expérimentales à l’école élémentaire. Physique et Technologie. Bordas.
[17] Thouin, M. (2006). Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.