Concept de vie (primaire)

Introduction et balises

À l’école maternelle, le tout jeune élève a eu l’occasion d’explorer son environnement proche et de rencontrer plantes et animaux, notamment dans le cadre d’activités de familiarisation pratique mais aussi d’activités plus structurées au départ de plantations, de semis, d’élevages, d’installation d’un potager, de diverses sorties de terrain, etc. En primaire, les apprentissages autour du vivant se poursuivent.

L’enjeu d’un enseignement des sciences autour du vivant en primaire est la construction d’une conception scientifique du vivant en contexte scolaire (Granger, Lhoste et Schneeberger (2015)[1]. Les élèves sont ainsi progressivement amenés à identifier les caractéristiques du vivant (caractéristiques communes, comme la croissance, la reproduction, la nutrition) et à comprendre les distinctions entre le vivant et le non vivant.

Quelle définition du vivant en primaire ?

Il n’existe aujourd’hui pas de définition unique et consensuelle du vivant dans la communauté scientifique (Kostyrka, 2014[2]). Dans leur article, Granger, Lhoste et Schneeberger (2015)[3] proposent d’amener une définition du vivant consistant à délimiter les propriétés communes des êtres vivants (leur unité) tout en montrant leur diversité (manifestations diverses de ces propriétés). Ils amènent des pistes pour l’apprentissage et précisent les objectifs qui y sont liés. Guichard et Deunff (2001)[4] reprennent une définition du vivant en précisant différentes caractéristiques et notamment la reproduction : “Tout être vivant provient d’un être vivant et est situé dans le temps ». Le lecteur trouvera dans cet article les informations utiles autour de cette question.

Certaines notions liées à la biologie cellulaire ou moléculaire n’étant pas accessibles, la définition retenue pour le vivant à l’école primaire présente bien évidemment des différences avec celle des scientifiques. Néanmoins les savoirs visés sont toutefois compatibles avec les savoirs scientifiques actuels du vivant. L’intention étant bien de construire chez l’élève un autre rapport au vivant que celui du quotidien. C’est ce “nouveau” rapport au monde qui fera entrer l’élève dans la culture scientifique (Orange et Plé, 2010[5]).

En primaire, les élèves peuvent ainsi être amenés à s’interroger sur la croissance (ex : en effectuant des mesures au cours du temps sur les animaux et les plantes), la reproduction (ex : en suivant le cycle de vie d’un animal ou d’une plante), la réponse à un stimulus (ex : en expérimentant les réactions de plantes ou animaux à certaines conditions du milieu comme la lumière), l’utilisation de l’énergie (ex : en s’intéressant à l’alimentation des animaux ou aux besoins des plantes), etc.

Quels obstacles au concept de vie ?

Il est intéressant de constater que les conceptions* des élèves à propos du vivant observées en maternelle  persistent même au-delà de l’école primaire (Van der Keilen et Roy, 1995)[6]. D’après la recherche de Rollant et Marzin (1996)[7], l’anthropomorphisme, l’animisme, le finalisme et le phénoménisme sont encore fréquemment rencontrés à la fin de l’école primaire.

Vers 11-12 ans, les animaux, les plantes ainsi que les microorganismes sont bien considérés comme vivants mais pas les objets fabriqués. Cependant, les critères avancés par les élèves pour justifier leur tri varient en fonction du groupe étudié. D’après ces recherches, l’unité du vivant ne semble donc pas acquise. La relation entre la vie et la présence de fonctions biologiques particulières n’est pas totalement établie. D’après certains auteurs  (Van der Keilen et Roy, 1995)[8], l’affirmation que les plantes sont vivantes repose ainsi plus sur les connaissances spécifiques et sur la maturation de la pensée ce qui peut expliquer pourquoi les enfants ont tendance à accorder la vie aux plantes plus tard qu’aux animaux. La place des éléments naturels, encore plus s’ils sont mouvants, est aussi un autre obstacle très fréquent. Ainsi, la lune, le soleil, un nuage, les volcans sont souvent considérés comme vivants. Ces conceptions sont encore retrouvées chez les élèves du secondaire et chez les adultes, y compris des futurs enseignants. Ces éléments constituent des points d’attention importants pour l’enseignant qui s’engage dans la construction des séquences d’apprentissage en lien avec le concept de vie.

Pour aider au dépassement de ces obstacles fréquents, l’article de Nury, Lamarque et Caron (1996)[9] suggère toute une série de pistes à mettre en oeuvre comme celles de mettre l’élève au contact de/d’animaux connus aux mouvements visibles et moins repérables (escargot, papillon), des végétaux “douteux” (arbre sans feuilles), des fragments de végétaux, des vivants à vie ralentie (graine de haricot, œuf de poule), des objets mécaniques dotés de mouvement, etc. Le lecteur trouvera d’autres pistes dans l’article correspondant.

*Ces modes de pensée font écho aux conceptions historiques du vivant, en particulier ceux d’Aristote et de Descartes). Pour en savoir plus, nous vous renvoyons vers la thèse de Dell’Angelo-Sauvage (2008)[10] ou encore vers l’article de Rolland et Marzin (1996)[11].

Quelles approches ?

Les démarches privilégient l’investigation qui favorise le questionnement, la problématisation et de ce fait la conceptualisation. La mise en place d’élevages d’animaux , la réalisation de semis ou plantations mais aussi la mise en place d’un jardin ou d’un potager, des sorties dans la cour ou dans d’autres lieux (bois, bords de mer, parcs, etc) accompagneront ou feront naître ces apprentissages. Ces activités constituent une familiarisation des élèves aux êtres vivants telle que l’on peut la rencontrer à l’école maternelle (Coquidé, 2007)[12]. Ces temps constituent un référent empirique. Ceux-ci seront suivis de moments d’investigation plus « scientifiques » permettant aux élèves d’élaborer des premiers concepts et modèles du vivant. Cette articulation entre registre empirique et registre des modèles est un élément important des apprentissages scientifiques (Lhoste, 2017; Orange, 2012). Des activités autour de l’humain permettent aux élèves des comparaisons et concourent ainsi au développement de la conceptualisation du vivant.

Les vivants abordés en classe primaire font partie de l’environnement proche des élèves. Ils sont rencontrés dans le cadre scolaire (observés lors d’une sortie de classe, introduits en classe,  etc) ce qui permet de créer un vécu commun à tous. Varier les rencontres est aussi essentiel pour permettre une meilleure conceptualisation du vivant (Dell’Angelo, 2008[13]) que cela soit par rapport aux êtres vivants proposés (petits et grands animaux, pédofaune, plantes diverses) qu’aux formes de “rencontres” (manipulations, expérimentation, observation directe ou assistée, recherche dans des documents, visites).

Quelles visées ?

La multiplicité des rencontres va permettre à l’élève d’approcher les êtres vivants, de les nommer, de les caractériser et de construire un autre rapport au monde vivant tout en constituant progressivement un socle d’apprentissages. Celui-ci lui permettra, par exemple, de percevoir les points communs entre les êtres vivants et de comprendre la classification scientifique des vivants basée sur les liens de parenté en fin de primaire (Dell’Angelo, 2007[14]). Les apprentissages liés aux fonctions du vivant seront aussi progressivement approfondis (ex : nutrition, respiration, etc). L’ensemble de ces apprentissages constituent donc les premiers fondements de la biologie, l’étude du vivant et participent donc à la construction du concept de vie. Expliciter cet objectif aux élèves pour rendre visible ces apprentissages semble fondamental d’après les chercheurs ayant travaillé sur le sujet.

Enfin, aborder le concept de vie à l’école primaire constitue un support privilégié pour le développement des compétences langagières à l’écrit comme à l’oral. Pour en savoir plus sur le langage et les sciences, nous vous encourageons à consulter la page “Langage”.


Entrées faciles

Kostyrka  (2014) aborde la question de la définition de la vie en biologie. Il revient sur l’histoire de ce concept, questionne le besoin de définir la vie. Il présente l’origine de la diversité des définitions de la vie et leurs limites.

Dans “Comment définir la vie”[15], Bersini (2007) propose de questionner le besoin de définir la vie et soumet une discussion au départ des définitions de divers scientifiques.

L’ouvrage de Guichard et Deunff (2001)[16] aborde les questions liées à la découverte du monde et en particulier du vivant à l’école primaire. Les auteurs présentent une réflexion didactique au départ de l’étude des représentations des élèves ainsi qu’une approche scientifique de la définition du vivant sous toutes ses composantes, illustrée par des exemples de classe.

“La découverte du monde vivant de la maternelle au CM2” de Tavernier (2002)[17] est un guide pratique à destination des enseignants du maternel et du primaire dans lequel sont repris des suggestions d’activités, des pistes pratiques et des conseils méthodologiques pour la découverte du monde vivant, avec une place importante accordée aux élevages et aux observations du réel.

Dell’Angelo-Sauvage (2009)[18] propose un ouvrage posant un regard neuf sur les enseignements relatifs au vivant à l’école primaire et au collège. L’auteur y suggère un apprentissage ouvert et respectueux dans lequel l’élève prend conscience de sa place parmi le monde vivant.

L’ouvrage de Sandrin-Bui (2021)[19] aborde des questions autour de l’enseignement du vivant dans le cadre de l’école inclusive. Les questions générales sont accompagnées de pistes d’activités concrètes.


Articles scientifiques

Coquidé-Cantor (2000)[20] s’intéresse au rapport expérimental au vivant, en particulier dans la formation des enseignants pour l’école primaire.

La thèse de Dell-Angelo-Sauvage (2008) permet de mieux comprendre le concept de rapport au vivant et la façon dont cette relation se décline pour des élèves de 10 à 12 ans, suivant les formes de rencontres proposées en classe, et suivant les vivants rencontrés.

Dans cet article de Dell’Angelo-Sauvage (2008), un outil est proposé pour analyser le concept de rapport au vivant chez des élèves de 10-12 ans.

La recherche de Roy et Marlot (2008) questionne le rôle de l’habillage d’une situation problématisante choisie par l’enseignant en lien avec la caractérisation du vivant. Les auteurs montrent que son influence sur la problématisation et la conceptualisation des apprentissages chez des élèves de 4 à 7 ans, en lien avec les travaux de Bautier et Rochex (2004).

L’article de El Jamal, Castera et Brandt-Pomares (2014)[21] propose de comprendre les effets des jeux vidéo de simulation de personnages vivants sur les conceptions du vivant chez l’enfant, en particulier sur la distinction entre vivant et inerte.

Grancher et al. (2015) abordent les démarches permettant aux élèves de 5 à 7 ans (CP-CE1) de construire une conception scientifique du vivant. Les auteurs proposent un éclairage sur les contenus à enseigner et sur les enjeux de telles démarches, notamment leur rôle dans le processus d’acculturation scientifique.

La recherche de Van der Keilen et Roy (1995) porte sur démarche de pensée sous-jacente au concept et de vie et plus particulièrement sur l’attribution des critères de la vie aux animaux et aux plantes avancés par les enfants en fonction de leur âge (6 à 13 ans). L’article débute par une synthèse des travaux de recherche sur l’évolution de la pensée enfantine en lien avec le concept de vie.


Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires

S’intéresser au concept de vie à l’école primaire, c’est par exemple :

  • s’interroger sur les conceptions des élèves et sur la manière de les faire évoluer ;
  • questionner les pratiques de classe ;
  • s’intéresser aux obstacles à l’apprentissage ;
  • se pencher sur les visées et/ou les enjeux d’un tel apprentissage avec des élèves de 6 à 12 ans.
  • s’interroger à la façon de problématiser ce sujet avec les élèves ;
  • interroger les outils soutenant un tel apprentissage ;
  • questionner le rôle de l’observation directe des végétaux et animaux sur cet apprentissage ;
  • se pencher sur le rôle des albums de jeunesse et/ou des documentaires employés en classe ;
  • etc.

[1] Grancher, C., Lhoste, Y., & Schneeberger, P. (2015). Construire une conception scientifique du vivant avec des élèves de 5-7 ans. Approche didactique pour mieux comprendre les processus d’apprentissage et les enjeux développementaux. SHS Web of Conferences.

[2] Kostyrka, G. (2014). Définir la vie en biologie: trois problèmes. Précis de philosophie de la biologie, 185-196.

[3] Grancher, C., Lhoste, Y., & Schneeberger, P. (2015). Construire une conception scientifique du vivant avec des élèves de 5-7 ans. Approche didactique pour mieux comprendre les processus d’apprentissage et les enjeux développementaux. SHS Web of Conferences.

[4] Guichard J. & Deunff J. (2001). Comprendre le vivant : la biologie à l’école. Paris : Hachette.

[5] Orange, O. et Plé, E. (2000). Les sciences de 2 à 10 ans, l’entrée dans la culture scientifique, Aster 31, 1-8.

[6] Van der Keilen, M., & Roy, C. (1995). Développement du concept de vie à propos des animaux et des plantes. Enfance, 48(4), 435-442.

[7] Rolland, A., & Marzin-Janvier, P. (1996). Étude des critères du concept de vie chez des élèves de sixième. Didaskalia (Paris), (9), 57-82.

[8]  Van der Keilen, M., & Roy, C. (1995). Développement du concept de vie à propos des animaux et des plantes. Enfance, 48(4), 435-442.

[9] Nury, D., Lamarque, J., & Caron, P. (1996). Essai de caractérisation des représentations du vivant chez des élèves du cours préparatoire. Didaskalia, 9, 157-172.

[10]  Dell’Angelo-Sauvage, M. (2008). Éléments de caractérisation du rapport au vivant chez des élèves de 10-12 ans. Didaskalia, 33(1), 7-32.

[11] Rolland, A., & Marzin-Janvier, P. (1996). Étude des critères du concept de vie chez des élèves de sixième. Didaskalia (Paris), (9), 57-82.

[12] Coquidé, M. (2007). Quels contenus de formation pour enseigner à l’école maternelle? L’exemple de la formation à l’activité «faire découvrir la nature et les objets». Recherche et formation, (55), 75-92.

[13] Dell’Angelo-Sauvage, M. (2008). Éléments de caractérisation du rapport au vivant chez des élèves de 10-12 ans. Didaskalia, n°33.

[14] Dell’Angelo-Sauvage, M. (2007). Les formes scolaires de rencontres du vivant. Actualité de la Recherche en Education et en Formation, Strasbourg.

[15] Bersini , H., & Reisse, J. (2007). Comment définir la vie?. Vuibert.

[16] Guichard, J., & Deunff, J. (Eds.). (2001). Comprendre le vivant: la biologie à l’école. Hachette éducation.

[17] Tavernier, R. (2002). La découverte du monde vivant de la maternelle au CM2”, Editions Bordas.

[18] Dell’Angelo-Sauvage, M. (2009). La construction d’un rapport au vivant: un autre regard sur les enseignements relatifs aux vivants à l’école et au collège. Delagrave.

[19] Sandrin-Brui, M.-A. (2021). Enseigner le vivant à l’école, cycles 1, 2 et 3, élèves malades et/ou en situation de handicap. Broché.

[20] Coquidé-Cantor, M. (2000). « Le rapport expérimental au vivant dans la formation des enseignants », Tréma, 18, [consultable en  ligne], mis en ligne le 25 octobre 2010, consulté le 21 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/trema/1593 ; DOI : https://doi.org/10.4000/trema.1593

[21] El Jamal, R., Castéra, J., & Brandt-Pomares, P. (2014). La construction de la notion de vivant et les jeux de personnages virtuels. Educational Journal of the University of Patras UNESCO Chair.

[22]