Introduction et balises
La classification phylogénétique constitue aujourd’hui un concept incontournable en biologie. Elle peut être initiée dès l’école maternelle par le biais de la découverte de l’unité et de la diversité du vivant : observation de la diversité, description et comparaison de l’anatomie des divers êtres vivants, de leurs attributs, etc. Mais, au-delà, il s’agit bien d’amener à classer les espèces pour comprendre progressivement l’histoire des êtres vivants (Giordan, 2008[1]).
La classification phylogénétique rassemble, dans un même groupe, des espèces partageant des caractéristiques identiques, nommées attributs (ex : présence de plumes, de mamelles, d’antennes, etc). Ces attributs ne sont pas déterminés aléatoirement mais correspondent en réalité à des nouveautés évolutives apparues à un moment donné dans l’histoire du vivant. S’intéresser à ces attributs et à la manière de classer les êtres vivants sur base de ceux-ci permet d’introduire petit à petit la notion d’évolution et de mettre en évidence les liens de parentés entre les espèces. Une approche de la théorie de l’évolution avec le jeune enfant est une tâche difficile et n’apparaît dans les programmes qu’en fin de cycle primaire. Toutefois, il est primordial d’installer des bases de cette théorie dès le plus jeune âge. Dans les classes de maternelle et primaire, apprendre à classer comme le font les phylogénéticiens, c’est installer les bases scientifiques pour comprendre plus tard les liens de parentés et l’évolution des êtres vivants. L’enseignant aura une tâche importante de sélection à la fois des espèces à classer, voire aussi des attributs qui seront explorés par les élèves. Divers auteurs proposent des recommandations pour poser ce choix (Coquidé, Fortin et Rumelhard, 2009[2]; Orange-Ravachol et Ribault, 2006[3]). C’est seulement en secondaire que le cadre théorique de l’évolution sera posé de façon explicite, en établissant les degrés de parenté entre espèces avec les élèves en lien avec la découverte des mécanismes de transformation des espèces au cours du temps.
Aborder la classification phylogénétique à l’école n’est pas simple. En plus de la complexité de ce concept, de nombreux obstacles ont été identifiés par les chercheurs, comme par exemple la conception commune de l’évolution en termes de progrès (Orange-Ravachol et Ribault, 2006[4]). De même les opérations “trier”, “classer”, “ranger” sont souvent confondues par les élèves, sans doute parce les termes sont largement employées dans le langage courant et de façon quasi synonyme (Drouard, 2010[5]).
Les classifications du vivant ayant elles-mêmes “évoluées” de l’époque classique, comme celles de Linné (1707-1778) construites dans vision de fixité des espèces à aujourd’hui (classification phylogénétique), en passant par le renouvellement apporté par la diffusion de la théorie de l’évolution des espèces (Darwin, 19è siècle), il peut être intéressant d’aborder la classification des êtres vivants avec les élèves du secondaire par la biais de l’histoire des sciences/de faire des liens.
Enfin, aborder la classification phylogénétique du vivant est importante afin de préparer l’élève à acquérir un esprit critique vis-à-vis d’autres récits de l’histoire du vivant, comme par exemple les créationnismes. La page Philosophie, épistémologie et image des sciences peut contenir des informations intéressantes à ce sujet.
La page Histoire et évolution du vivant peut contenir des indications sur des acquis postérieurs (secondaire), notamment ceux portant sur la théorie de l’évolution des espèces.
Entrées faciles
L’ouvrage de référence “La classification phylogénétique du vivant” de Le Guyader et Lecointre (2016)[6] permet de comprendre de façon très complète la classification phylogénétique. Cette édition tient compte des découvertes les plus récentes.
L’ouvrage de Lecointre “Comprendre et enseigner la classification du vivant (2008)[7] permet d’éclairer les enseignants de la maternelle jusqu’au secondaire sur les pièges à éviter et sur les pratiques de classe.
Le numéro 20 du magazine de Sciences en Cadence (asbl Hypothèse) propose un exemple en maternelles de démarche pour initier à la classification du vivant par l’observation d’attributs chez les animaux. Un recul didactique questionne l’intérêt d’aborder la classification phylogénétique dès la maternelle. Un recul théorique et didactique y est également proposé, valable pour tous les niveaux.
Sur le thème du développement animal et de la classification des espèces, Bruguière et Triquet (2014)[8] proposent, dans la première partie de leur ouvrage, une réflexion sur l’utilisation d’albums de fiction pour problématiser en biologie à l’école élémentaire (primaire). Des situations de classe sont analysées et des éclairages scientifiques mais également didactiques (notamment sur la problématisation) sont présentés à partir de deux albums : “Un poisson est un poisson” de Léo Lionni (1981) et “La promesse” de Jeanne Willis et Tony Ross (2003).
L’ouvrage de Thouin (2006)[9] contient de nombreux exemples de problèmes que l’on peut proposer aux élèves de maternelles et primaire. Il s’agit ici d’une approche s’inspirant des recherches récentes en didactique des sciences permettant aux élèves de faire évoluer leurs conceptions par des solutions et/ou approches possiblement différentes, leur permettant ainsi de s’initier à la véritable nature du travail scientifique. Le module 15 de l’ouvrage est consacré à la classification et à l’évolution des êtres vivants.
Écrits scientifiques
L’article de Bruyère et Triquet (2012) questionne l’usage des albums de fiction réaliste comme levier pour un travail de problématisation du réel en sciences à l’école primaire autour de la notion d’espèce. Les auteurs y présentent des situations testées en classe ainsi que des pistes pour exploiter les énoncés “problématiques” constitutifs de ces fictions.
Un chapitre de Lhoste et Le Marquis (2016)[10] présente un enseignement de la classification des êtres vivants en début de primaire (CP-CE1 en France). Des difficultés sont repérées mais les auteurs avancent également des outils (y compris langagiers) et des ressources didactiques qui conditionnent la réussite de cet enseignement.
L’article de Orange-Ravachol et Ribault (2006) interroge la classification phylogénétique des vivants en commençant par approfondir les aspects épistémologiques et historiques. Ensuite, deux situations sont présentées et analysées dont une portant sur des classifications produites par des élèves du primaire de 9-10 ans (CM1, France). Cette étude tente de montrer l’importance des situations de débats dans la construction de critères problématisés.
L’article de Coquidé, Fortin et Rumelhard (2009) explore la démarche d’investigation et ses différentes formes. Il expose et analyse ensuite deux exemples dont un sur la classification phylogénétique du vivant.
Bruguière, Charles, Moulin, Cabodi et Monin (2016) propose un article traitant du potentiel didactique qu’offrent des albums de fiction réaliste pour interroger le réel avec des élèves à l’école primaire. Il traite ici de l’album “Où est donc Ornicar ? Comment classer l’ornithorynque, un animal a priori inclassable ?” (Glasauer & Stehr, 2002).
Drouard (2010) propose une réflexion sur les actions liées aux termes employés dans le cadre de la classification en biologie et, en particulier, les termes “ranger-trier-classer”.
L’article de Lecointre et Huneman (2020) propose une réflexion philosophique sur la signification de la ressemblance en biologie.
Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires
Questionner l’enseignement de la classification phylogénétique en primaire, c’est par exemple :
- s’intéresser aux finalités de cet enseignement, au-delà de la rencontre avec un attendu du programme ;
- se pencher sur les problèmes classificatoires construits par les élèves, par exemple autour d’un attribut particulier, ou aux critères retenus ;
- s’intéresser aux outils et ressources permettant des apprentissages efficaces ;
- questionner l’impact de l’utilisation des arbres phylogénétiques sur la compréhension des élèves ;
- interroger les obstacles cognitifs rencontrés par ls élèves ;
- étudier son apport pour d’autres enseignements scientifiques ;
- étudier l’intérêt d’une visite et d’un travail au musée.
- etc.
[1] Giordan, A. (2008). Préface de la 2e édition. In G. Lecointre (Dir.). Comprendre et enseigner la classification du vivant (2e édition). Pour une entrée progressive dans l’investigation scientifique. Belin.
[2] Coquidé-Cantor, M., Fortin, C., & Rumelhard, G. (2009). L’investigation: fondements et démarches, intérêts et limites. Aster: Recherches en didactique des sciences expérimentales, 49(1), 51-77.
[3] Orange Ravachol, D., & Ribault, A. (2006). Les classifications du vivant à l’école: Former l’esprit scientifique ou inculquer la «bonne» solution. Grand N, 77, 91-107.
[4] Orange Ravachol, D., & Ribault, A. (2006). Les classifications du vivant à l’école: Former l’esprit scientifique ou inculquer la «bonne» solution. Grand N, 77, 91-107.
[5] Drouard, F. (2010). Catégoriser et classer–classifier en biologie. Grand N, 86, 13-32.
[6] Lecointre, G. (dir.), & Le Guyader, H. (dir.) (2016). Classification phylogénétique du vivant. Tomes 1 et 2. Belin.
[7] Lecointre, G. (dir.) (2008). Comprendre et enseigner la classification du vivant. 2e édition. Belin.
[8] Bruguière, C. et Triquet, E. (Dir.). (2014). Sciences et albums. Cycles 2-3. Canopé Editions.
[9] Thouin, M. (2006). Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.
[10] Enseigner la classification des êtres vivants dans le premier degré dans la logique d’une investigation scientifique : ressources didactiques. Dans Marlot et Morge (2016) L’investigation scientifique et technologique. Presses Universitaires de Rennes.