Concept de vie (maternel)

Introduction

L’école maternelle est un lieu d’exploration de l’environnement proche de l’élève. Les enseignants proposent ainsi régulièrement des activités autour des plantes et des animaux. Celles-ci permettent aux élèves d’identifier certaines caractéristiques du vivant (comme la croissance) et de comprendre certaines distinctions entre le vivant et le non vivant (Charles, 2015). Les activités autour du vivant constituent ainsi un premier référent empirique (Coquidé et Lebeaume, 2003[1]) mais aussi un premier niveau de conceptualisation du vivant.

Quelle définition du vivant en maternelle ?

Il n’existe aujourd’hui pas de définition unique et consensuelle du vivant dans la communauté scientifique (Kostyrka, 2014[2]). Dans leur article, Granger, Lhoste et Schneeberger (2015)[3] proposent d’amener une définition du vivant consistant à délimiter les propriétés communes des êtres vivants (leur unité) tout en montrant leur diversité (manifestations diverses de ces propriétés). Ils amènent des pistes pour l’apprentissage et précisent les objectifs qui y sont liés. Guichard et Deunff (2001)[4] reprennent une définition du vivant en précisant différentes caractéristiques et notamment la reproduction : “Tout être vivant provient d’un être vivant et est situé dans le temps ». Le lecteur trouvera dans cet article les informations utiles autour de cette question.

Certaines notions liées à la biologie cellulaire ou moléculaire n’étant pas accessibles, la définition retenue pour le vivant à l’école maternelle présente bien évidemment des différences avec celle des scientifiques. Néanmoins les savoirs visés sont toutefois compatibles avec les savoirs scientifiques actuels du vivant. L’intention étant bien de construire chez l’élève un autre rapport au vivant que celui du quotidien. C’est ce “nouveau” rapport au monde qui fera entrer l’élève dans la culture scientifique (Orange et Plé, 2010[5]). En maternelle, les élèves peuvent ainsi être amenés à s’interroger sur la croissance (ex : en effectuant des mesures au cours du temps sur les animaux et les plantes), la reproduction (ex : en suivant le cycle de vie d’un animal ou d’une plante), la réponse à un stimulus (ex : en expérimentant les réactions de plantes ou animaux à certaines conditions du milieu, l’utilisation de l’énergie (ex : en s’intéressant à l’alimentation des animaux ou aux besoins des plantes).

Quels obstacles ?

La découverte du vivant par les jeunes élèves n’est toutefois pas sans difficultés. Différents obstacles sont relatés dans la littérature comme l’animisme (consiste à attribuer des intentions et états d’âme aux objets non vivants), le dynamisme (revient à attribuer la vie à ce qui est doté de mouvement), l’anthropomorphisme (revient à associer au vivant des des caractéristiques anthropomorphiques), etc. Étant donné que ces représentations constituent des obstacles à la construction d’une conception scientifique du vivant, l’enseignant est invité à s’y intéresser. Ces modes de pensée font écho aux conceptions historiques du vivant, en particulier ceux d’Aristote et de Descartes). Pour en savoir plus, nous vous renvoyons vers la thèse de Dell’Angelo-Sauvage (2008)[6] ou encore vers l’article de Rolland et Marzin (1996).

Pour aider l’élève à dépasser ces obstacles fréquents, l’article de Nury, Lamarque et Caron (1996)[7] suggèrent toute une série de pistes comme celles de mettre l’élève au contact de/d’ :

  • animaux connus aux mouvements visibles (grillon, hamster, moutons, poisson, humain) et des animaux aux mouvements moins repérables (escargot, papillon) ;
  • des végétaux non douteux (arbre avec feuilles, plante en pot), des végétaux complets douteux (arbre sans feuilles), des fragments de végétal (feuille isolée, fleur coupée) ;
  • vivants à vie ralentie (graine de haricot, œuf de poule) ;
  • éléments naturels dotés de mouvement (eau calme, cascade, nuages) ;
  • objets mécaniques dotés de mouvement (jouet mécanique, montres).

La dernière proposition n’est pas anodine et permet notamment de différencier “mouvement autonome” de “mouvement provoqué” (par un mécanisme par exemple) souvent confondus chez les jeunes élèves. Cela permet d’amener progressivement l’élève à questionner le critère “mouvement” pour reconnaître le vivant.

Quelles approches privilégier ?

Pour y parvenir, l’enseignant peut mettre en place deux types d’activités. Les moments de “familiarisation pratique” au départ d’élevage, de semis, de plantations ou encore de sorties (cour de l’école, bois, bords de mer, parcs, musées, etc) permettent une rencontre du vivant et de sa diversité. Ces temps constitueront un référent empirique. L’enseignant joue un rôle important en amenant les élèves à explorer et à s’interroger sur ce vivant. Il va ensuite amener les élèves à passer à des formes d’investigation plus “scientifiques”. Des premières activités de conceptualisation, plus dirigées, sont ainsi menées. Elles permettent aux élèves d’élaborer des premiers concepts et modèles du vivant, incluant nécessairement des comparaisons avec l’humain. Cette articulation entre registre empirique et registre des théories et des modèles est un élément important des apprentissages scientifiques (Lhoste, 2017; Orange, 2012).

Il est important que les vivants abordés en classe fassent partie de l’environnement proche des élèves et soient rencontrés dans le cadre scolaire (observés lors d’une sortie de classe, introduits en classe,  etc) de manière à créer un vécu commun à tous les élèves. Ceci est d’autant plus essentiel pour les élèves issus de milieux défavorisés qui trouvent là de multiples possibilités d’exercer leur sensibilité, leur réflexion mais aussi de développer un langage plus élaboré (Mettoudi, 2011[8]). Ces rencontres sont aussi importantes pour les élèves citadins qui côtoient des animaux domestiques et des plantes en pots (Dell-Angelo-Sauvage, 2007[9]). Diversifier ces rencontres (êtres vivants et types d’approches) amène une meilleure conceptualisation du vivant.

Quelles visées ?

La multiplicité des rencontres va permettre d’approcher les êtres vivants, de les nommer, de les caractériser. Cela constitue un socle d’apprentissages pour le primaire. Ainsi, par exemple, chercher dès la maternelle à faire percevoir les points communs entre les êtres vivants permettra d’aborder en primaire la classification scientifique des vivants basée sur les liens de parenté.

Enfin, les vivants offrent des situations privilégiées et spécifiques pour le développement des compétences langagières à l’écrit comme à l’oral. Pour en savoir plus sur le langage et les sciences, vous pouvez consulter la page “Langage”.


Entrées faciles

Dans son chapitre consacré aux savoirs scientifiques en jeu à l’école maternelle, Coquidé-Cantor et Giordan (2002)[10] revient sur les conceptions des élèves à propos du vivant et propose des pistes d’investigation concrètes à mettre en œuvre en petite, moyenne et grande sections.

“La découverte du monde vivant de la maternelle au CM2” de Tavernier (2002)[11] est un guide pratique à destination des enseignants du maternel et du primaire dans lequel sont repris des suggestions d’activités, des pistes pratiques et des conseils méthodologiques pour la découverte du monde vivant, avec une place importante accordée aux élevages et aux observations du réel.

L’ouvrage de Mettoudi (2011)[12] consacre un chapitre sur la découverte du monde vivant. L’auteure y développe les enjeux et le type d’activités à privilégier à la fois pour les plantes et les animaux (y compris l’humain).

L’ouvrage de Sandrin-Bui (2021)[13] aborde des questions autour de l’enseignement du vivant dans le cadre de l’école inclusive. Les questions générales sont accompagnées de pistes d’activités concrètes.


Écrits scientifiques

A propos du concept du vivant/non vivant, la recherche de Nury et al. (1996) s’intéresse aux représentations des élèves de CP (5-6 ans) et aux actions pédagogiques permettant de les faire évoluer vers des modes de pensée plus scientifiques. L’article présente notamment une analyse des obstacles identifiés chez ces élèves.

La recherche de Roy et Marlot (2008) questionne le rôle de l’habillage d’une situation problématisante choisie par l’enseignant en lien avec la caractérisation du vivant. Les auteurs montrent que son influence sur la problématisation et la conceptualisation des apprentissages chez des élèves de 4 à 7 ans. Cet article est en lien avec les travaux sur les inégalités scolaires de Bautier et Rochex (2004).

Charles (2015)[14]  propose dans sa recherche de décrire et analyser les pratiques des enseignants de l’école maternelle lors rencontres entre les élèves et le vivant. L’auteur caractérise ces rencontres et met en évidence les les contenus pris en charge par les enseignants, les tâches associées des élèves et leurs visées éducatives.

L’article de Granger et al. (2015) présente une analyse des pratiques scientifiques dans le cadre de situations d’enseignement-apprentissage autour du vivant avec des élèves de CP (5-6 ans). Les auteurs questionnent notamment le rôle d’activités telles que le débat, l’observation et l’expérimentation dans le processus d’acculturation scientifique.

Dans cet autre article, les mêmes auteurs (Grancher et al., 2015) abordent les démarches permettant aux élèves de 5 à 7 ans (CP-CE1) de construire une conception scientifique du vivant. Les auteurs y proposent un éclairage sur les contenus à enseigner et sur les enjeux de telles démarches, notamment leur rôle dans le processus d’acculturation scientifique.

Dans leur communication, Roy et Marlot (2018) comparent deux situations proposées à des élèves de 4-5 ans dans le but d’appréhender la distinction vivant/non vivant par la comparaison de la fonction de croissance chez l’humain et chez les plantes.


Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires

S’intéresser au concept de vie à l’école maternelle, c’est par exemple :

  • s’interroger sur les conceptions des élèves et sur la manière de les faire évoluer ;
  • questionner les pratiques de classe ;
  • s’intéresser aux obstacles à l’apprentissage ;
  • se pencher sur les visées et/ou les enjeux d’un tel apprentissage avec des tout petits.
  • etc.

[1] Coquidé, M., & Lebeaume, J. (2003). Découverte de la nature et des objets à l’école élémentaire: hier et aujourd’hui. Spécial Grand N, À l’école des sciences, 1, 7-15.

[2] Kostyrka, G. (2014). Définir la vie en biologie: trois problèmes. Précis de philosophie de la biologie, 185-196.

[3] Grancher, C., Lhoste, Y., & Schneeberger, P. (2015). Construire une conception scientifique du vivant avec des élèves de 5-7 ans. Approche didactique pour mieux comprendre les processus d’apprentissage et les enjeux développementaux. SHS Web of Conferences.

[4] Guichard J. & Deunff J. (2001). Comprendre le vivant : la biologie à l’école. Paris : Hachette.

[5] Orange, O. et Plé, E. (2000). Les sciences de 2 à 10 ans, l’entrée dans la culture scientifique, Aster 31, 1-8.

[6] Dell’Angelo-Sauvage, M. (2008). Éléments de caractérisation du rapport au vivant chez des élèves de 10-12 ans. Didaskalia, 33(1), 7-32.

[7] Nury, D., Lamarque, J., & Caron, P. (1996). Essai de caractérisation des représentations du vivant chez des élèves du cours préparatoire. Didaskalia, 9, 157-172.

[8] Mettoudi, C. (2011). Comment enseigner en… maternelle: la découverte du monde: un véritable accompagnement pédagogique. Hachette éducation.

[9] Dell’Angelo-Sauvage, M. (2007). De l’école au collège, le rapport au vivant d’élèves de 10 à 12 ans: en quoi les enseignements de SVT en 6ème font-ils évoluer le rapport au vivant des élèves? (Doctoral dissertation, École normale supérieure de Cachan-ENS Cachan).

[10] Coquidé-Cantor, M., Giordan, A., & Fihey, J. (2002). L’Enseignement scientifique et technique à l’école maternelle. Delagrave édition. pp.167-173.

[11] Tavernier, R. (2002). La découverte du monde vivant de la maternelle au CM2”, Editions Bordas.

[12] Guichard J. & Deunff J. (2001). Comprendre le vivant : la biologie à l’école. Paris : Hachette.

[13] Sandrin-Brui, M.-A. (2021). Enseigner le vivant à l’école, cycles 1, 2 et 3, élèves malades et/ou en situation de handicap. Broché.

[14] Charles, F. (2015). Les rencontres des enfants avec le vivant à l’école maternelle. In SHS Web of Conferences (Vol. 21, p. 03003). EDP Sciences.