Matière (primaire)

Introduction et balises

L’environnement de l’enfant regorge de matières de nature diverse. Alors que certaines sont perceptibles (ex : l’eau), d’autres le sont beaucoup moins (ex : l’air). Dès l’école maternelle, l’élève a été confronté à une approche sensorielle de la matière et a commencé à en percevoir les qualités et propriétés (Mettoudi, 2011[1]). Il a été amené à élaborer un premier niveau de conceptualisation et a notamment pris conscience de la matérialité d’une matière peu perceptible : l’air.

En primaire, l’exploration de la matière se poursuit par la biais de la découverte des changements d’état. l’élève est amené à construire la distinction entre les solides, les liquides et les gaz. Il approche les changements d’états principalement par l’intermédiaire de l’eau. L’air et ses propriétés seront aussi davantage explorés. Ces deux matières ont pour avantage de faire partie de l’environnement direct de l’élève et de permettre de nombreuses manipulations. L’enseignant amène progressivement l’élève à construire des modèles permettant d’expliquer les effets des facteurs (ex : température, surface de contact, etc) sur les états et changements d’états et rendant compte des observations effectuées. Le cycle naturel de l’eau fera l’objet d’investigations. Ces apprentissages permettent une sensibilisation au développement durable et notamment une réflexion sur la préservation des ressources. Les mélanges résultant de la mise en contact de plusieurs “matières” seront aussi abordés. Certains auteurs invitent d’ailleurs à élargir l’exploration à d’autres matières (molécules) afin de développer une compréhension plus générale des phénomènes (Dahmouche, Daro et Orange, 2021[2]).

De nombreux obstacles sont présents chez les élèves du primaire en lien avec la matière. Le primat de la perception (fait d’attribuer le statut de matière à ce qui est perçu) et déjà présent à l’école maternelle, le sera encore à l’école primaire (Plé, 1997)[3]. La conceptualisation de l’air s’en trouvera affectée. Pourtant, la prise en compte de la matérialité de l’air sera essentielle pour construire d’autres concepts scientifiques comme la ventilation pulmonaire, la photosynthèse ou encore plus tard la réaction chimique, la pression. La matérialité d’autres matières, comme l’eau, est plus évidente mais d’autres difficultés apparaissent. Ainsi, Plé (1997)[4] a montré que des élèves de 10-11 ans considèrent parfois que l’eau qui s’évapore donne de l’air. Cet obstacle peut rendre plus difficile d’autres apprentissages comme ceux liés au cycle naturel de l’eau. D’autres recherches comme celle de Ravanis (2014)[5] (à propos du sel) ont montré que d’autres substances ne sont pas perçues comme de la matière pouvant passer d’un état à l’autre. Ce constat observé chez des jeunes élèves (5-6 ans) se marque donc encore à la fin de l’école primaire. La réversibilité des changements d’états est souvent aussi à construire. Vers la fin de l’école primaire, la confusion entre évaporation et ébullition d’un liquide est aussi à dénouer. Plusieurs auteurs se sont intéressés à ces difficultés. Vous les retrouverez ci-après.

Les perceptions “quotidiennes” des élèves sont persistantes et puissantes. Elles sont souvent peu compatibles avec une explication scientifique. Cela montre la nécessité de permettre à chaque élève d’explorer la matérialité de l’air, les changements d’états de la matière dès le plus jeune âge afin de développer des modèles explicatifs plus proches des modèles scientifiques.

Au niveau des transformations de la matière autres que physiques, les élèves seront amenés à observer quelques phénomènes chimiques du quotidien comme la combustion.

Cette exploration de la matière permet d’enrichir un capital expérientiel. Elle permet d’élaborer un premier modèle de transformation de la matière. Celui-ci sera essentiel pour le développement des disciplines de la chimie et de la physique dans le secondaire (constitution de la matière, transformation et conservation de la matière, etc).

Ajoutons que les démarches autour de la matière amènent à développer le langage. Cela se fait par le biais de l’enrichissement du lexique relatif à la matière et ses propriétés, des actions exercées mais aussi, de façon plus cruciale, grâce aux activités de conceptualisation (le langage comme outil de pensée, cf. page langage).


Entrées faciles

Dans son ouvrage, Tavernier (2019)[6] propose une mise au point des connaissances et démarches propres à la physique et à la technologie. Des exemples concrets d’activités et de démarches sont suggérées pour chaque cycle d’enseignement. Des éclairages scientifiques à propos du concept de matière sont proposés.

Diverses brochures thématiques de l’asbl Hypothèse proposent des pistes pour permettre à l’élève de se poser des questions scientifiques à propos des forces. Les séquences proposées s’accompagnent d’éclairages didactiques et scientifiques. :

À propos de concepts physiques, Hartmann (2006)[7] propose un outil pratique reprenant des activités de classe sur diverses thématiques. Deux chapitres sont notamment consacrés respectivement à l’eau et à l’air. L’intérêt réside notamment dans les éclairages sur les conceptions des élèves de la maternelle au primaire.

L’ouvrage de Thouin (2006)[8] contient de nombreux exemples de problèmes que l’on peut proposer aux élèves de maternelle et primaire. Il s’agit ici d’une approche s’inspirant des recherches récentes en didactique des sciences permettant aux élèves de faire évoluer leurs conceptions par des solutions et/ou approches possiblement différentes, leur permettant ainsi de s’initier à la véritable nature du travail scientifique. Pour l’enseignant, chaque exemple est richement accompagné de suggestions de mises en situation, de repères culturels et historiques, de suggestions d’activités de structuration et d’enrichissement, etc. Le module 1 de l’ouvrage est consacré à la structure de la matière.

Dans une brochure destinée aux enseignants de 3e et 4 e primaire, Giot et Quittre (2006)[9] proposent une séquence touchant à la matérialité de l’air. Celle-ci est décrite et accompagnée des obstacles rencontrés par les élèves et des objectifs visés.

Dans leur ouvrage, Jadin et Roosens (2022)[10] présentent une recherche-action en lien avec les malentendus d’apprentissage. Après une première partie qui touche à des apports théoriques sur le sujet, la seconde propose une description et une analyse détaillées de trois récits de séquences d’apprentissage (en français, en mathématique et en science). La séquence en science traite de la matérialité de l’air. Une troisième partie permet aux auteurs de poser quelques balises pour préparer et mieux cadrer une séquence. Pour aller plus loin sur les malentendus, nous vous envoyons vers la page dédiée.

Le consortium 4 du Pacte a réalisé un guide raisonné (Dahmouche, Daro et Orange, 2021) sur la notion de gaz (matérialité, propriétés, changement d’état, etc.). Après avoir présenté brièvement les enjeux autour de ce concept, des exemples sont discutés et des points de vigilance sont proposés. Le rôle de l’enseignant est également précisé.

Le document d’accompagnement “fiches de connaissances cycles 2 et 3 “ des programmes français à propos de la découverte du monde des objets, de la matière et du vivant  (Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Direction de l’enseignement scolaire, 2002) propose, dans son introduction, des balises méthodologiques et didactiques pour l’enseignant. Celles-ci présentent notamment les notions en jeu, les difficultés chez les élèves ainsi que les écueils à éviter.

D’autre part, la page “modélisation” peut constituer un complément intéressant.


Écrits scientifiques

Dans cet article de Bisault (2008), il est question du rôle du langage dans la conceptualisation au cours d’une séquence d’investigation expérimentale sur le thème du brouillard en primaire (cycle 3). À partir des productions langagières (écrites ou orales), l’auteur décrit les processus de conceptualisation se déroulant chez les élèves, d’une part durant la phase d’élaboration de protocoles expérimentaux, d’autre part durant la phase de lecture documentaire. Durant cette séquence, les élèves sont amenés à identifier la nature physique du brouillard ainsi que son mécanisme de formation lié aux changements d’état.

Le rôle des écrits dans l’élaboration des concepts liés à la transformation de la matière à l’école élémentaire a été exploré par Vérin (2005). L’auteur met en avant l’importance de ces productions de travail dans le développement de la pensée des élèves et le dépassement des obstacles.

Plé (1997) présente des pistes de stratégies pour amener les élèves du cycle 3 à franchir les obstacles liés à la transformation de la matière; en particulier ceux qui touchent à la matérialité de l’air (“l’air n’est pas de la matière” et “l’eau qui s’évapore donne de l’air”). Son article décrit le fonctionnement de ces obstacles chez les élèves et les dispositifs flexibles que l’enseignant peut mettre en œuvre pour traiter ceux-ci.

La manière dont les élèves (10-12 ans) se représentent les changements de la matière a par exemple été investiguée par Hatzinikita et Koulaidis (1998). Les catégories que ces élèves mobilisent sont celles de l’expérience directe (ex : changement de forme); ce qui est en décalage avec celles prescrites dans les programmes qui correspond à la distinction phénomènes physiques ou chimiques.

Dans son article, Peterfalvi (1997) montre l’intérêt et des pistes pour identifier les obstacles rencontrés par les élèves. Le domaine d’exemplification concerne la matière, au sens large. L’article d’Astolfi et Peterfalvi (1997) est un bon complément.

L’article de Bisault et Fontaine (2004) montre le travail d’argumentation, d’explication et de débat entre les élèves du primaire autour du thème de l’air.

L’article d’Aldon et Bécu-Robinault (2013) traite d’une séance d’apprentissage en physique autour du phénomène d’augmentation du volume de l’eau lors du passage de l’état solide à  l’état liquide dans le cadre d’une classe de SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté). La recherche vise à comprendre en quoi la modélisation peut favoriser la construction d’un modèle explicatif et de faire émerger les difficultés qui y sont liées.

L’article de Ravanis (2017) interroge les représentations des élèves grecs de 5 à 14 ans à propos de la fusion et la solidification du sel.


Pistes de réflexion pour les TFE et mémoires

À venir.


[1] Mettoudi, C. (2011). Comment enseigner en… maternelle: la découverte du monde: un véritable accompagnement pédagogique. Hachette éducation. p. 48.

[2] Dahmouche, Daro et Orange (2021). Le guide raisonné des nœuds didactiques. Noeux : les gaz. Consortium 4 : mathématiques, sciences, géographie.

[3] Plé, E. (1997). Transformation de la matière à l’école élémentaire: des dispositifs flexibles pour franchir les obstacles. Aster: Recherches en didactique des sciences expérimentales, 24(1), 203-229.

[4] Plé, E. (1997). Transformation de la matière à l’école élémentaire: des dispositifs flexibles pour franchir les obstacles. Aster: Recherches en didactique des sciences expérimentales, 24(1), 203-229.

[5] Ravanis, K. (2014). Les représentations des enfants de 5-6 ans sur la fusion et la solidification du sel, comme support pour le déploiement des activités didactiques. International Journal of Research in Education Methodology, 6(3), 943-947.

[6] Tavernier, R., & Pierrard, M. A. (2009). Enseigner les sciences expérimentales à l’école élémentaire: physique et technologie. Bordas.

[7] Hartmann, M. (2006). La physique est un jeu d’enfant. Editions Le Pommier.

[8] Thouin, M. (2006). Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire. Editions Multimondes.

[9] Les activités scientifiques en classes de 3e et 4e années primaires Aider les élèves à structurer leurs acquis Document à l’usage des enseignant.

[10] Jadin, B. et Roosens, B. (2022). Gare aux malentendus. Déjouer les pièges pour faire apprendre. ChanGement pour l’Egalité.